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des populations entières disparurent sous les atteintes du fléau de la famine. Il serait aisé cependant de soustraire à ces redoutables extrémités la partie du sous-gouvernement des provinces nord-ouest dont il est ici question, et qui s’étend entre le Gange et la rivière Jumna. Les neiges de l’Himalaya offrent à des canaux irrigateurs des réservoirs inépuisables, dont les merveilleuses ressources n’avaient point échappé à la sagacité des empereurs de Dehli. Aux noms de Feroze-Shah et de Shah-Jehan se rattachent des travaux de canalisation qui ont perpétué leurs souvenirs parmi les populations reconnaissantes. Le canal de Feroze, ouvert dans le XVe siècle sur la rive ouest de la rivière Jumna, sous le règne de l’empereur qui lui donna son nom, féconda, jusqu’au milieu du siècle dernier, les campagnes de Hissar et de Hurrianah. Le canal de Dehli, qui prend sa source sur la rive gauche de la même rivière, creusé sous la direction du célèbre Ali-Murdan-Khan, architecte de Shah-Jehan, apporta son flot vivifiant de 1626 à 1753 aux terres desséchées qui s’étendent des montagnes Sirwalie aux environs de Dehli. Malheureusement, à la fin du XVIIIe siècle, les travaux d’utilité publique qui avaient fertilisé le sol pendant de longues années disparurent dans la tempête où fut englouti le trône des empereurs mogols, et le sort des populations de ces vastes contrées fut de nouveau remis au hasard des pluies.

Ce fut en 1815 seulement, sur les instances énergiques et bienveillantes du marquis de Hastings, que la cour des directeurs entreprit de remettre en état de service les ouvrages de canalisation achevés sous les empereurs mogols, et dont les ruines inutiles jonchaient tristement le sol. Les premiers efforts se portèrent sur l’ancien canal de Feroze (western Jumna canal), qui, prenant sa source au pied de l’Himalaya, vient, après un parcours de 450 milles, arroser les campagnes de Dehli. L’eau reparut en 1821, après plus de quatre-vingts ans d’absence, dans cette artère fertilisante, et le gouvernement de l’Inde n’a eu qu’à s’applaudir depuis, même au point de vue financier, du résultat de cette entreprise. Quelque encourageans que fussent ces débuts, il fallut dix ans pour que le canal est de la Jumna fut mis en état de service, et dix années de plus encore pour que les plans d’un ingénieur éminent révélassent tout le parti que l’irrigation artificielle pourrait tirer des eaux du Gange, sans emploi jusqu’alors. Les désastres de la campagne de Caboul et les guerres du Punjab qui suivirent vinrent toutefois détourner l’attention du gouvernement de cette grande œuvre, entamée seulement en 1848, année où, sur les instances de lord Hardinge, la cour des directeurs vota un subside d’un million sterling pour les dépenses du canal du Gange. Ce magnifique ouvrage, presque achevé aujourd’hui, tiendra place parmi les travaux d’irrigation les plus considérables de l’univers, et