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tion publique, comme l’esprit de parti l’a fait tant de fois, le système de rapacité et d’oppression en vigueur dans les domaines de l’honorable compagnie ? Nous ne le croyons pas. Comme on a déjà eu occasion de le faire remarquer, l’impôt foncier, tel qu’il existe aujourd’hui, est moins lourd que celui qui pesait sur la propriété aux jours des gouvernemens indigènes, alors que le ryot avait à satisfaire l’avarice des plus infimes suppôts du pouvoir. De plus, avant de formuler un verdict, le juge impartial doit faire la part des habitudes de simplicité et de parcimonie que le climat, la tradition religieuse, sa constitution physique même, ont faites à l’Indien. Une cabane de bambou, des nattes, quelques vases de cuivre, parfois un coffre à serrure, pour vêtement une pièce d’étoffe de coton, chaque jour un plat de riz et quelques bananes, le tout arrosé d’eau claire : pour l’Indien, la vie n’a pas d’autres nécessités, l’on peut presque dire d’autre luxe! Et le faible pécule qu’il retire de ses labeurs lui permet d’y satisfaire tout aussi amplement qu’un salaire plus considérable, mais acheté par des travaux bien autrement pénibles, permet à l’ouvrier européen de pourvoir aux besoins de son existence sous un climat rigoureux, avec son robuste appétit, entouré, comme il l’est de toutes parts, du spectacle du bien-être et de l’opulence. Si donc l’on examine avec impartialité sous toutes ses faces le problème de l’existence ouvrière dans les deux hémisphères, on sera assez fondé à conclure que le ryot a peu à envier le sort du petit cultivateur ou de l’ouvrier européen, qu’en un mot les conditions de son existence sont meilleures aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été. Non pas qu’il faille s’appuyer de cette argumentation pour opposer une fin de non-recevoir à toute idée d’amélioration, de progrès; mais ce n’est pas en dégrevant le sol que l’on pourra arriver à créer une position plus favorable à la communauté agricole de l’Inde. Il s’agit, pour atteindre ce but, de percer des routes, de creuser des canaux, de relier par des voies de communication faciles les centres de commerce avec des pays sans débouchés jusqu’à ce jour. Là est la grande tâche que le gouvernement anglais doit accomplir pour se rendre digne de la haute mission civilisatrice que lui a confiée la Providence dans ces lointaines et barbares contrées.

L’impôt sur le sel, qui, après l’impôt foncier, forme la branche la plus considérable du revenu de l’Inde, donna lieu, dans les jours qui suivirent la conquête, à d’innombrables abus. Ce fut seulement en 1780 que Warren Hastings mit fin à un état de choses ruineux pour le trésor public, en déterminant les conditions de l’impôt du sel, conditions dans lesquelles il est à peu près demeuré depuis. Les pays producteurs furent partagés en cinq grandes divisions, administrées chacune par un agent spécial chargé de faire exécuter les