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du domaine indien peuvent avoir une part dans la crise à peine terminée aujourd’hui; mais d’un autre côté jamais les produits indiens n’ont été aussi en faveur en Europe, jamais la spéculation ne s’est portée avec tant d’empressement sur les riz, les salpêtres, sur des articles en dehors jusqu’ici des transactions européennes. Si donc à l’une des faces du tableau on trouve une réunion de circonstances presque combinées à souhait pour donner aux marchés de Calcutta et de Bombay une prospérité inouie, le revers présente une pénurie d’argent telle que l’on n’en retrouve pas de pareille dans les momens les plus critiques de l’histoire financière de l’Inde. Cet état de choses n’ajoute-t-il pas un argument puissant à ceux que des économistes distingués font valoir contre le projet de la démonétisation de l’or en France? C’est ce que nous prendrons la liberté d’examiner en peu de mots. Si en effet l’Angleterre et la France ont pu faire face à trois années de disette, aux plus grands arméniens des temps modernes, grâce aux produits des mines de San-Francisco et de Melbourne, l’Inde, où ces produits n’arrivent pas, a vu les circonstances les plus favorables au développement de la richesse du pays provoquer une crise monétaire d’une violence sans exemple, et les hommes compétens ne voient d’autre remède pour prévenir le retour d’un pareil état de choses que l’introduction des espèces d’or dans le système monétaire du pays.

L’argent remplit seul la fonction monétaire dans les domaines de la compagnie, car les billets de banque ne sont reçus que sous un escompte désavantageux en dehors des grands centres. Le système monétaire a pour base la roupie d’une valeur de 2 shillings. Des coupures d’argent de moitié, un quart, un huitième, du billon de cuivre, enfin de petits coquillages, cowries, dont il entre plus de cinq mille dans la roupie, résument les instrumens qui servent d’intermédiaires aux transactions commerciales, du cap Comorin aux chaînes de l’Himalaya. Il existait autrefois des pièces d’or, nommées goldmohurs, d’une valeur de 16 roupies; mais cette monnaie a été frappée, il y a quelques années, d’une mesure de démonétisation dont il ne faut pas d’ailleurs exagérer les conséquences, car le goldmohur était d’une valeur trop élevée pour avoir jamais une circulation étendue parmi des populations aussi pauvres que celles de l’Inde. Si donc on ne peut sans exagération attribuer les difficultés présentes à la mesure de démonétisation de l’or dans les domaines de la compagnie, c’est avec une grande apparence de raison toutefois que des hommes compétens recommandent l’introduction de l’or, sous des coupures appropriées aux besoins des populations, comme le remède le plus propre à prévenir le retour de la crise monétaire qui a récemment affligé les trois présidences.