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le gouvernement anglais, qui mettait la traite des noirs au ban des nations, ne pouvait entourer de trop de restrictions et de surveillance un commerce que des esprits frondeurs pouvaient sans trop d’exagération appeler la traite des Indiens; de l’autre, il était de la dernière importance, pour assurer le succès de l’immigration, que l’on respectât d’une manière absolue les préjugés religieux et sociaux des natifs. À ce prix seul, l’on pouvait espérer que la main-d’œuvre indienne tenterait les chances d’une expatriation temporaire. On ne saurait nier que l’immigration n’ait offert un débouché avantageux aux pauvres et nombreuses populations de l’Inde. Ainsi l’on peut estimer à 35 pour 100 le nombre des coolies qui de Maurice retournent à la terre natale après l’expiration de leur engagement, et les hommes d’ordre et d’économie rapportent souvent avec eux de 70 à 80 livres sterling.

Il est temps de dire quelques mots des importations faites par le commerce européen sur les diverses places de l’Inde. Parmi les produits multiples dont l’industrie perfectionnée de l’Europe approvisionne le marché des possessions anglaises de l’Inde, il faut citer en première ligne celui qui y joue le rôle le plus important: les cotons et filés. Que la fabrication européenne, secondée par les merveilleuses découvertes de la science, ait pu non-seulement chasser des marchés étrangers les produits d’une industrie classique sur le sol de l’Inde, et dont le monopole lui était acquis depuis des siècles, mais encore prendre la part du lion dans la consommation du pays même, c’est là sans contredit une grande conquête de l’industrie du XIXe siècle, sur laquelle le fait même nous autorise à nous étendre quelque peu. En 1814, la première année où la spéculation privée exerça son action sur le commerce de l’Inde, l’importation des cotons travaillés était presque nominale sur la place de Calcutta, et se réduisait à 817,000 yards de tissus et 8 livres de filés, d’une valeur à peine d’un lac de roupies, tandis que l’exportation des cotons de fabrication indienne s’élevait à plus de 120 lacs. Sous l’impulsion énergique des fabricans anglais, cette branche d’importation prit bientôt un