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sacrifices. Ainsi il arrive souvent que les frais de transport du lieu de production au port d’embarquement dépassent le prix de revient de l’article. Malgré ces désavantages, les chiffres suivans attestent que la culture du coton a bénéficié, comme tous les autres produits de l’Inde, de l’abolition du monopole commercial de la compagnie. Dans les années 1825-26 et suivantes, les documens officiels portent en moyenne à 100 millions de livres la quantité des cotons exportée annuellement du domaine anglo-indien. On peut aujourd’hui estimer à 170 millions de livres la quantité de cotons exportée en moyenne annuelle de l’Inde. Des calculs assez fondés démontrent, il est vrai, que dans les conditions où se trouve présentement l’industrie cotonnière, cette quantité ne peut sensiblement augmenter. En effet, le produit moyen d’un acre de coton dans l’Inde n’est que de 100 livres, et le sol ne peut, sans s’épuiser promptement, supporter cette plante plus d’une fois en trois ans. Il suit de là qu’on doit estimer à 5 millions d’acres, ou 8,000 milles carrés, l’étendue des terrains cultivés en coton, chiffre considérable, qui représente, et au-delà, celui des territoires favorables à la culture du coton dans la province de Guzerat. Pour que la production cotonnière de l’Inde puisse sortir de ces limites, il faut que des voies faciles de communication relient au port de Bombay les districts situés dans le domaine du nizzam de Hyderabad, où la plante textile arrive à toute sa perfection. Aujourd’hui les produits des champs de coton du Bérar, — champs qui pourraient produire trois ou quatre fois la quantité des cotons nécessaires à la consommation du monde, — manquent de débouchés. Quoique au principal marché d’Oomrawuttee, éloigné à peine de Bombay de 400 milles, l’on puisse se procurer, à un prix variable de 1 penny 1/2 à 1 penny 7/9, des cotons qui ne le cèdent en rien aux plus beaux produits de l’Amérique, ce marché, telle est la difficulté des transports, n’est pas exploité par les spéculateurs européens[1].

Le monopole de l’opium dans l’Inde, malgré les attaques dont il a été l’objet dans la presse et dans le parlement, a conservé, sans changemens notables, sa forme des premiers jours. Notons en passant à propos de ces attaques (et c’est là un trait distinctif de ce patriotisme à outrance qui caractérise la race anglo-saxonne) que, si l’on a tou-

  1. Les chemins de fer en cours d’exécution dans l’Inde centrale doivent porter remède à cet état de choses, et peut-être n’exagérera-t-on pas l’influence qu’ils sont appelés à exercer sur la culture du coton en ces contrées en disant qu’ils affranchiront sans doute un jour la fabrication anglaise du tribut qu’elle paie à l’étranger pour cette matière de première nécessité. Pour avoir une idée approximative des hautes destinées qu’on peut prédire au coton indien, il suffit de rappeler que des calculs faits sur une moyenne de treize ans en 1846 fixent à 79 pour 100 la proportion des cotons d’origine américaine qui entrent dans la consommation de l’Angleterre, proportion qui n’est que de 12 3/4 pour 100 pour les cotons de l’Inde.