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présente à peu de chose près les achats en indigo faits aujourd’hui, année moyenne, par le commerce français sur la place de Calcutta.

Cet état de choses éveilla l’attention des directeurs de l’honorable compagnie, et, bien pénétrés des ressources que leur nouveau domaine présentait à la culture de l’indigo, dès 1779 ils cherchèrent, par des avances et des contrats avantageux, à y introduire les procédés perfectionnés de manipulation qui avaient assuré la fortune de la culture de l’indigo dans les Antilles. Les premiers essais ne furent pas heureux, et il fallut plus de vingt ans d’efforts et de sacrifices pour que l’indigo du Bengale conquît sur le marché européen la première place, qu’il a conservée depuis. En 1795, la production du Bengale s’élevait à 24,000 maunds d’indigo, en 1815 à 89,722 maunds[1]. Elle atteignit son maximum de 156,500 maunds pour la campagne de 1825-26. Depuis lors, la production est restée à peu près stationnaire, et l’on peut en moyenne annuelle lui fixer les limites de 100 à 120,000 maunds. Il n’est pas difficile d’expliquer cet état de statu quo : la consommation de l’indigo est loin d’être illimitée, et présente en effet ce singulier phénomène, que l’industrie européenne sait restreindre ses besoins en proportion des prix, et substitue, dans la préparation des étoffes communes, des teintures minérales à la teinture végétale, lorsque cette dernière augmente trop de valeur.

Les prix de l’indigo, depuis la régénération de cette industrie dans le Bengale, ont été soumis à de grandes variations. En 1795, au début, en moyenne de 120 roupies le maund, en 1815, de 130 roupies, ils atteignent leur maximum dans les années de grande production, de 1825 à 1826 : ils s’élèvent alors à 300 et 350 roupies, hauts prix factices qui amenèrent de nombreux désastres parmi les spéculateurs. Aujourd’hui le marché du Bengale, mieux connu et exploité d’ailleurs avec plus de prudence par le commerce européen, n’est plus agité par ces fluctuations ruineuses, et les prix, toujours variables suivant les saisons et les qualités, ne sortent pas des limites de 140 à 190 roupies. Les calculs de planteurs expérimentés, en prenant une moyenne de cinq années, donnent, sur des terrains favorables, les seuls qui puissent être cultivés avec avantage, le prix moyen de revient de 120 roupies le maund. Il y aurait donc pour le planteur un bénéfice certain d’environ 40 pour 100 : magnifique résultat qui semble faire de l’industrie de l’indigo une industrie unique au monde! Il est loin d’en être ainsi, et l’on peut dire que de toutes les cultures l’indigo est la plus chanceuse, la plus fertile en mécomptes de toute sorte.

  1. Le maund vaut 40 seers ou 82 livres anglaises, environ 37 kilog.