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Vespasien monta sur le trône : par cela même, il devait attacher un grand prix à inaugurer l’ère pacifique qu’on attendait de chaque empereur avec un espoir toujours renaissant et toujours bientôt déçu.

Si le grand édifice, en partie conservé, qu’on appelle quelquefois le temple de la Paix devait garder ce nom, une des plus imposantes ruines de Rome se rattacherait à la mémoire de Vespasien; mais cette ruine majestueuse, formée de trois grands arceaux qu’on voit encore aujourd’hui près du Forum, ne peut être le temple de la Paix. D’abord nous savons que ce temple magnifique brûla sous Commode[1]. En supposant qu’on l’ait reconstruit alors, ce que l’histoire ne dit point, l’architecture de l’édifice dont on voit encore les ruines ne peut être du temps des Antonins. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à comparer les ornemens du prétendu temple de la Paix avec ceux du beau temple d’Antonin et Faustine, qui est à côté. De plus, cet édifice n’a jamais été un temple : ce fut évidemment une basilique. Nous la retrouverons quand nous serons parvenus à l’époque de Constantin. La basilique fut construite à peu près dans l’endroit où Vespasien avait élevé le temple de la Paix, ce qui explique comment l’on a confondu ces deux monumens. Un beau fragment de mur qu’on découvre près de la basilique a probablement fait partie du temple de la Paix, œuvre de Vespasien, dont il est le seul reste.

Derrière le temple de la Paix était, ce semble, le quartier des libraires, du moins c’est là que Martial donne l’adresse du sien. « Si tu veux, dit-il, avoir mes légers ouvrages pour en faire les compagnons de ta longue route, achète-les dans leur petit format, car ils peuvent tous tenir dans la main; mais il faut que tu saches où l’on me vend. Pour t’éviter la peine de courir toute la ville, je vais te conduire de manière à ce que tu ne puisses t’égarer. Demande Secundus, l’affranchi du noble Lucens, derrière le temple de la Paix et le Forum-Palladien. » Les éditeurs de Rome faisaient comme les nôtres, ils affichaient à leur porte les titres des livres nouveaux. C’est ce que nous apprend ailleurs Martial en parlant d’un autre libraire qui demeurait non loin du premier, en face du Forum de César. « C’est là qu’il faut m’aller chercher. Demande-moi à Atrectus, c’est le nom que porte le maître du magasin; il te donnera un exemplaire de première ou de seconde qualité, satiné à la pierre ponce, orné de pourpre; tu peux avoir un Martial pour cinq deniers. » On voit que les livres se vendaient à Rome exactement comme chez nous. Cela étonne, on ne conçoit pas d’abord une vente régulière de livres là

  1. Galien parle de cet incendie, qui consuma ses livres dans sa boutique (ἀποθήκη), qui était près du temple de la Paix. L’incendie dut être bien violent, car Galien mentionne aussi la destruction de grandes bibliothèques sur le Palatin, probablement les deux bibliothèques construites par Auguste, près de sa maison et du temple d’Apollon.