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Le principal mérite de Vespasien fut de commencer une honnête réaction contre la mémoire de Néron, ce que personne n’avait osé faire avant lui. Cette juste réaction tentée par Vespasien se continua sous ses fils. Elle se manifeste à Rome d’une manière remarquable dans l’histoire des monumens. Vespasien fit transporter dans le temple de la Paix, qui était une sorte de musée, les chefs-d’œuvre de la Grèce que Néron avait entassés dans son palais. Si son colosse ne fut pas abattu, il fut ôté du moins de la place d’honneur qu’il occupait à l’entrée de la Maison-Dorée, et transporté dans la via Sacra, où il n’était plus qu’une décoration de la voie publique, on plaça des rayons autour de sa tête et on en fit un Apollon. Quant à la Maison-Dorée elle-même, cette œuvre gigantesque de Néron que voulaient continuer ceux qui, comme Othon, prétendaient aussi continuer son règne, Vespasien et son fils Titus, ainsi que nous le verrons plus en détail en parlant de celui-ci, prirent à tâche d’en faire disparaître les traces. Vespasien choisit le lieu où était le lac artificiel de Néron, un des principaux ornemens de la Maison-Dorée, pour y jeter les fondemens du Colisée. La même pensée fit relever par Vespasien le temple de Claude, que Néron, dans sa haine de son père adoptif, avait pris plaisir à détruire presque complètement pour faire place aux empiétemens de la Maison-Dorée. La réparation de ce temple était un reproche adressé par Vespasien à l’impiété de Néron.

Réparateur de l’état après plusieurs empereurs qui avaient travaillé à sa ruine, Vespasien voulut aussi réparer les ruines que les incendies, et surtout celui de Néron, y avaient faites. Dans cette intention, il permit d’occuper les terrains vacans et d’y construire, si les propriétaires n’en faisaient point usage. Le Tabularium, c’est-à-dire le dépôt des archives, avait souffert dans l’incendie du Capitole, auquel il était adossé. Le monument même n’avait point été consumé, car ses fortes arcades en péperin, du temps de la république, subsistent encore; mais trois mille tables de bronze, où étaient gravés les sénatus-consultes, les traités de paix, les privilèges accordés aux villes ou aux citoyens avaient été la proie des flammes. Vespasien fit faire de grandes recherches pour en retrouver des copies, et rétablit cette collection de documens, qui, si nous l’avions, serait sans prix.

Vespasien restaura le théâtre de Marcellus. Ce théâtre avait déjà brûlé souvent et devait brûler encore. Ce qui brûlait ainsi, c’étaient sans doute les sièges, les planches du théâtre, les décorations, mais non pas le monument lui-même, au moins le monument tout entier; car ce qui en reste, on peut l’affirmer d’après l’intégrité et la pureté de l’architecture, n’a été ni réparé ni touché depuis le règne d’Auguste. On attribue encore à Vespasien la restauration du temple de