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maintenu, dit-on, sous Jules César, sous Auguste, la république se fût maintenue sous Pompée et Brutus; mais comment faire des vœux pour Vitellius ou pour Othon? Voilà où l’on en était venu, voilà la paix et la sécurité qu’avait amenées l’empire.

Du Forum encore ensanglanté, Othon fut porté, par-dessus les cadavres, d’abord au Capitole, puis au palais impérial, où le premier il arriva par un égorgement. Il permit de brûler les corps de Galba et de Pison, et de leur donner un tombeau. Un certain Argius, autrefois esclave de Galba, ramassa son corps, qui avait subi mille outrages, et alla lui creuser une humble sépulture dans les jardins de son ancien maître; mais il fallut retrouver la tête : elle avait été mutilée et promenée par les goujats de l’armée. Enfin Argius la trouva le lendemain, et la réunit au corps déjà brûlé.

Les jardins de Galba étaient sur le Janicule, près de la voie Aurélienne, et on croit que le lieu qui vit le dernier dénoûment de cette affreuse tragédie est celui qu’occupe aujourd’hui la plus charmante promenade de Rome, là où inclinent avec tant de grâce sur des pentes semées d’anémones et où dessinent si délicatement sur l’azur du ciel et des montagnes leurs parasols élégans les plus de la villa Pamphili.

J’ai peu à dire sur Othon, qui ne régna pas tout à fait trois mois, et dont la mort, l’événement le plus remarquable de son histoire, n’eut pas lieu à Rome. On sait que, sans être réduit aux dernières extrémités, entouré de soldats dévoués, dont un, pour lui prouver leur affection, se tua devant lui, il se décida tranquillement à mourir par dégoût, dit-il, de la guerre civile, et plutôt, je pense, par dégoût de la vie. Ce dernier sentiment peut s’expliquer chez un voluptueux blasé comme Othon. Ce qui est sûr, c’est que ce voluptueux, cet efféminé montra dans son suicide, précédé d’un paisible sommeil, cette résolution calme, cette préoccupation du sort des autres qui rendent si admirable la fin de l’austère Caton d’Utique. La fermeté qu’il devait déployer dans sa mort, Othon en avait fait preuve, ce qui est plus extraordinaire, dans plusieurs circonstances de sa vie. Parvenu à l’empire, il ne s’endormit pas au sein des délices, il montra de l’habileté et de l’énergie; mais rien ne fut changé dans son extérieur, ainsi que nous l’apprennent ses bustes. Il conserva pendant son règne rapide cet aspect mulièbre dû au soin qu’il prenait d’effacer sur son visage les signes de la virilité et à l’habitude de remplacer sa chevelure appauvrie par une chevelure artificielle, adaptée avec tant d’art qu’on y était trompé. Les rares portraits d’Othon le montrent en effet d’une beauté régulière et douce, sans barbe et avec un arrangement de cheveux qui le fait d’abord reconnaître. Et le même homme savait parfois marcher en avant des aigles, portant une cuirasse de fer, les vêtemens et la chevelure en