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égal emportement; mais c’était un usage reçu de flatter le prince, quel qu’il fût, par des acclamations désordonnées et un enthousiasme apparent. » Entouré de sa cour tumultueuse, Galba balance entre deux partis, sortir du palais ou y rester. Autour de lui, les avis sont partagés et s’expriment avec violence. Tout à coup le bruit se répand qu’Othon a été tué; c’était un piège tendu à Galba pour l’attirer hors du palais. Alors les applaudissemens et l’enthousiasme redoublent. « Des chevaliers et des sénateurs, téméraires depuis qu’ils ne tremblent plus, brisent les portes du palais et s’y précipitent pour se montrer à Galba; » on a reconnu Tacite. Galba se décide à sortir. Il prend sa cuirasse; mais comme au milieu de cette foule en désordre le vieillard ne peut se tenir sur ses jambes, on le place dans une litière et on l’emporte ainsi.

Pendant que ces choses se passaient au Palatin, dans la demeure impériale, Othon, sans que Galba s’en doutât, avait été proclamé empereur dans le Forum à deux pas de lui; présent au sacrifice qu’avait offert Galba, Othon s’était retiré, sous prétexte d’aller voir une maison qu’il voulait acheter. Appuyé sur le bras d’un affranchi, il traverse le palais de Tibère, sort par les derrières du Palatin, descend au Velabre, grâce à ce détour arrive au Forum, caché, selon quelques-uns, dans une litière de femme, et gagne le Milliaire d’Or, au-dessous du temple de Saturne. On a découvert, il y a peu d’années, la base de cette pierre milliaire, centre de toutes les voies de l’empire, et elle est placée en effet au-dessous du temple de Saturne, dont il reste plusieurs colonnes. A côté du Milliaire d’Or était l’ancienne tribune aux harangues, dont la base aussi a été retrouvée. C’est là qu’Othon fut salué empereur par vingt-trois soldats, qui, le prenant sur leurs épaules, l’emportent, fort inquiet du petit nombre de ses partisans, au camp des prétoriens. Pendant le trajet, qui ne put durer beaucoup plus d’un quart d’heure, une vingtaine de soldats, peu décidés, se joignent à son cortège. Arrivé au camp, les prétoriens, qui avaient besoin d’un chef pour renverser Galba, prennent celui qu’on leur apporte, le font monter sur la tribune militaire d’où ils viennent de renverser la statue de Galba, et rangent les drapeaux et les aigles autour de lui. « Othon étendait les mains vers les soldats, leur envoyait des baisers, se prosternait devant la foule, faisant tout ce qui est d’un esclave pour régner. » On vient dire alors à Othon que le peuple s’arme et veut défendre Galba. « Hâtons-nous, s’écrie-t-il, et prévenons ce danger. »

Pendant ce temps. Galba était descendu dans le Forum. «Les basiliques et les temples étaient remplis, l’aspect du Forum lugubre; chacun se taisait. Les visages étaient étonnés, les oreilles ouvertes à tous les bruits. Ce n’était ni le tumulte ni le calme, mais comme le