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par ceux qui l’entouraient et dont il toléra toutes les iniquités, montra au moins une certaine vigueur contre les indignes soldats qui commençaient à perdre les vertus militaires au moment où ils usurpaient le pouvoir politique. Déjà Corbulon s’était plaint que leur lâcheté lui était plus à craindre que le courage de l’ennemi : pourquoi eussent-ils aimé à braver les fatigues et les périls pour une patrie qui n’était plus, ou pour un empereur comme ceux qu’ils faisaient?

Plutarque, qui a daigné écrire la vie de Galba, la termine par ces mots : « Il ne laissa personne qui regrettât le gouvernement de son empire, mais bien plusieurs qui eurent pitié et compassion de sa mort. » Pour ma part, j’éprouvais cette pitié peu mêlée d’intérêt, quand, dans mes promenades au Palatin et au Forum, je suivais pour ainsi dire à la trace les incidens de sa chute misérable et de sa mort tragique. Je ressentais en même temps un profond dégoût pour ces soldats qui regorgèrent sept mois après l’avoir proclamé, parce qu’il marchandait avec eux sur le paiement de l’élection, et pour cette foule qui regarda pendant le meurtre et applaudit après. Tacite nous a laissé de la mort de Galba un récit détaillé dont l’exactitude topographique permet, quand on est sur les lieux, d’assister pour ainsi dire à l’événement.

Galba est sur le Palatin, il adresse des sacrifices et des prières à ces dieux qui, selon la forte expression de l’historien, ont déjà passé à un autre empereur. Galba n’ose affronter l’armée, il envoie vers elle Pison, cet intéressant jeune homme qu’il venait d’adopter, et qui allait périr cinq jours après son adoption. Pison harangue les cohortes de service du haut de l’escalier par où on descendait du palais dans le Forum. Des messagers sont envoyés vers un corps d’élite de l’armée d’Illyrie qui campait sous le portique Vipsanien, c’est-à-dire le portique d’Agrippa, là où est maintenant le palais Doria, par conséquent à une assez petite distance du Palatin; d’autres, au camp des prétoriens, dont nous connaissons l’emplacement, près de la porte Nomentane, aujourd’hui la Porta Pia. Les prétoriens menacent les envoyés de Galba et arrêtent l’un d’eux. Au portique d’Agrippa, ils sont reçus à coups de javelots. Les troupes de Germanie hésitent. On avait été les chercher dans le temple de la Liberté, ce lieu dont le nom figure si étrangement au milieu de ces luttes pour l’empire. Cependant la plèbe tout entière, à laquelle se mêlaient des esclaves, envahit le palais où Galba demeurait toujours, ignorant ce qui se passait au dehors. Le palais retentit de clameurs discordantes qui demandaient la mort d’Othon, le supplice des coupables, comme cette tourbe dans l’amphithéâtre aurait, par caprice, demandé la mort d’un gladiateur. Tout cela n’avait rien de sérieux, car, ajoute Tacite, a le même jour ils devaient demander le contraire avec un