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Marchés à conditions onéreuses, réquisitions forcées opérées dans tous les départemens, dons volontaires offerts par les corps de l’état, par les particuliers, par les cantons (trois cavaliers tout montés pour chaque canton), tous ces moyens furent mis simultanément en œuvre.

En Allemagne, le général Bourcier passa des marchés pour 10,000 chevaux de trait, 5,200 de grosse cavalerie, 2,400 de dragons et 14,000 de cavalerie légère, en tout pour 31,000 chevaux, qui devaient nous être livrés du 1er  février au 15 juin 1813. On prit à la gendarmerie tous ses meilleurs officiers, sous-officiers, et on en composa des cadres pour les jeunes escadrons. Napoléon ne laissa en Espagne qu’autant de cadres qu’il s’y trouvait de fois 125 hommes montés, et il rappela tous les autres. Il fit également revenir une multitude de cadres de ses escadrons de dragons et de chasseurs, en outre des escadrons entiers et tout montés, tant de cavalerie que d’artillerie à cheval et des équipages ; il prit tous les gardes forestiers à cheval, les postillons, les fils de maîtres de poste, et les enrôla dans ses nouveaux escadrons. Enfin il institua les quatre régimens de gardes d’honneur, brillant corps d’élite auquel furent attribués certains avantages, et dans lequel entrèrent des jeunes gens riches qui durent s’équiper à leurs frais.

En calculant toutes ces ressources, Napoléon s’était flatté qu’il pourrait ouvrir la campagne prochaine avec 255 escadrons, présentant un effectif d’environ 59,000 cavaliers montés, dont 20,600 de grosse cavalerie, et 38,400 de cavalerie légère ; mais le département de la guerre s’était bercé d’illusions : il avait accepté comme des réalités acquises des offres et des espérances qui ne purent s’accomplir. En Allemagne, ce furent les Russes et les Prussiens qui se chargèrent de déchirer les contrats passés par le général Bourcier et qui s’approprièrent les chevaux qui nous étaient destinés. En France, les autorités, les cantons, les particuliers, les éleveurs surtout, les uns pour étaler leur zèle, les autres par entraînement, beaucoup par cupidité, avaient promis plus qu’ils ne pouvaient tenir, en sorte qu’au moment où s’ouvrit la première campagne de Saxe, à peine nous fut-il possible de mettre en ligne 10,000 chevaux de qualité plus que médiocre. Ce ne fut que beaucoup plus tard, dans le courant de l’été, que les éleveurs, les cantons et les départemens purent remplir les obligations qu’ils avaient contractées, ou que la loi leur avait imposées.

L’artillerie, le génie et les équipages du train furent reconstitués avec le même soin et la même activité que le furent l’infanterie et la cavalerie. L’artillerie de la grande armée fut réorganisée à l’aide des compagnies d’artillerie des cohortes, et elle le fut à raison de 400 bouches à feu. Bientôt la France ne fut plus qu’un vaste camp.