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démontrer ces principes, les exposer, les défendre, les vulgariser, — et les publicistes italiens, en se consacrant à cette tâche, n’accompliront pas seulement une œuvre préparatoire ; ils mettront, eux aussi, la main à une partie essentielle de l’édifice même du rinnovamento, à savoir la renaissance en Italie d’une littérature et d’une vie littéraire nationales, sans lesquelles le rinnovamento serait incomplet, ou plutôt ne pourrait être.

Telle est, aussi fidèlement exposée que possible, la doctrine politique nouvelle que l’abbé Gioberti a proposée à ses compatriotes en échange de celle que, de 1840 à 1848, il avait tant contribué lui-même à leur faire adopter. Ces idées ont rapidement fait fortune en Italie, et, la mort prématurée de l’auteur leur donnant une sorte de sanction suprême et touchante, elles passent généralement aujourd’hui, aux yeux de la très grande majorité des patriotes et des libéraux, pour ce qu’elles sont au dire de l’abbé Gioberti lui-même, c’est-à-dire la panacée des maux de la péninsule. Ce n’est pas que toutes les propositions sans exception du rinnovamento n’aient trouvé, même parmi ses partisans, des contradicteurs, mais, à quelques dissentimens de détail près, tout l’esprit de cette théorie est devenu celui de l’opinion italienne. Les idées les plus hardies notamment du rinnovamento, telles que celles de la nécessité de ramener Rome à la simplicité de la vie de l’Évangile, d’y séparer le pouvoir temporel du pouvoir spirituel, d’entrer plus largement qu’on ne l’a fait jusqu’ici dans les voies démocratiques, d’attendre d’une révolution européenne universelle le signal de l’affranchissement de l’Italie, de compter infiniment plus pour le succès de cet affranchissement sur l’énergie des masses que sur la bonne volonté ou le concours des princes, toutes ces idées, disons-nous, ont remplacé visiblement dans les esprits italiens toutes les croyances et toutes les espérances qui formaient le symbole du risorgimento, et si l’ancienne théorie de M. de Balbo et de M. d’Azeglio a encore pour elle les sages du parti libéral, il est hors de doute que le rinnovamento en a conquis et en entraîne la foule.

Nous n’avons pas dessein, et il est médiocrement nécessaire ici d’engager avec l’abbé Gioberti une polémique en règle. Cela nous mènerait loin, et les raisons de tout genre que peuvent avoir les esprits modérés dans l’Europe entière, puisque c’est à l’Europe entière que le rinnovamento en veut, de différer profondément d’avis avec l’auteur d’un tel système, s’offrent d’elles-mêmes en foule à la pensée. De crainte cependant qu’un silence absolu à cet égard ne passe en Italie aux yeux de quelques personnes pour un acquiescement tacite ou déguisé, qu’on nous permette d’expliquer en peu de mots pourquoi la nouvelle doctrine de l’abbé Gioberti ne saurait avoir notre adhésion. Cette explication est fort simple, et nous sommes d’autant plus à l’aise pour la donner, qu’en concluant à la condamnation des