Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après l’avoir pourvu de ses ouvriers, il faut établir le rinnovamento sur ses pivots (i cardini). Rome et le Piémont ont été ceux du risorgimento ; le pourront-ils être également du rinnovamento, et à quelles conditions ?

Rome telle qu’elle existe encore aujourd’hui, cette Rome ecclésiastique qui répugne à toute idée de reconstitution nationale et de progrès politique ou civil, ne saurait, suivant l’abbé Gioberti, être admise à l’honneur de servir de base au rinnovamento. L’abbé Gioberti ne se dissimule pas ce qu’il peut y avoir de grave aux yeux de ses lecteurs dans une proposition pareille ; aussi se hâte-t-il de la justifier et de l’expliquer. Il la justifie d’abord à sa manière, en retraçant des vices du clergé romain, qu’il accuse d’ignorance, d’incapacité, de pharisaïsme, de simonie, de corruption et d’abrutissement, un tableau en comparaison duquel le fameux discours que Guichardin prête quelque part, sur le même sujet, à Pompeo Colonna est un chef-d’œuvre de modération. Cette Rome contemporaine ainsi exclue de toute participation au rinnovamento, est-ce à dire que l’abbé Gioberti renonce à l’espoir d’y faire concourir les ministres de la religion catholique ? Pas le moins du monde ; seulement c’est une Rome nouvelle et régénérée qu’il convie à cette œuvre, une Rome aussi peu semblable à la Rome actuelle qu’il la peut imaginer, et qu’aucun de ses lecteurs ne saurait se figurer avant de l’avoir entendu.


« ….. Née sous des rois, devenue italienne et ultramontaine avec la république et avec l’empire, chrétienne avec l’Évangile, cosmopolite avec la papauté, Rome deviendra la capitale religieuse et sociale des principes, mais des principes élargis par le progrès et consolidés par la durée. Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel y fleuriront libéralement à côté l’un de l’autre, mais séparés, et s’accordant au lieu de se combattre. Le premier de ces deux pouvoirs ne sera plus un mélange de sacré et de profane, de cérémonies pacifiques et de bûchers sanguinaires, de croisades et d’indulgences, de bénédictions et de malédictions, de morale évangélique et de politique profane, de prêtres exemplaires et de prélats superbes, dissolus (epuloni) et intrigans. Les cardinaux, quittant le nom et le train de princes, seront de nouveau les curés de la cité sainte, et dans la majesté du souverain pontife resplendira la modestie de l’apôtre pêcheur. Le pouvoir temporel ne sera plus travaillé de la vieille ambition de dominer par les armes et par les conquêtes, au lieu de n’aspirer à le faire que par les exemples et l’influence de la vertu. La prééminence civile et morale de la nouvelle Italie succédera à la domination guerrière et politique de l’ancienne. La diète italienne, composée de laïques, siégera à côté de la diète religieuse, et la ville unique au monde, qui servira de résidence à ces deux assemblées, sera à la fois forum et sanctuaire, cité et oracle, lieu de paix, modèle de justice, source de vertu et foyer de civilisation… Et ne dites pas que tout cela est une utopie, car si on ne peut réaliser la perfection idéale, on peut en approcher, et on en ap-