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peuples de l’Europe de la même manière, et il n’amènera pas non plus chez eux tous exactement les mêmes changemens. Quels en seront les résultats pour l’Italie ? Il est vraisemblable que ces résultats, suivant la loi de gradation, seront l’indépendance nationale, une confédération, la liberté constitutionnelle, la réforme des classes cultivées, enfin la rédemption des masses. Reste à dire quels en seront les instrumens et les pivots.

Ce serait folie que de convier à une telle œuvre non-seulement les absolutistes, cela va sans dire, mais les fédéralistes, que l’esprit de municipalité infecte, et les radicaux, que le démon de la révolution dévore. Les premiers se sont fait juger dans le risorgimento, qu’ils ont voulu conduire et qu’ils ont perdu ; quant aux radicaux, ils paraîtraient au premier abord plus propres à employer, mais leurs défauts sont tels qu’à la réflexion on y renonce. Et ici l’abbé Gioberti trace des révolutionnaires italiens, dont il tient essentiellement à se séparer en toutes choses, un portrait qu’il est de notre probité de rapporteur de faire connaître au moins par extraits. « Leur orgueilleuse ignorance, leur défaut absolu d’expérience et de prévoyance, leur manque de jugement pratique, leur attachement fanatique à leurs opinions, leur intolérance pour celles des autres, l’égoïsme, l’esprit d’intrigue, l’ambition qui les dévore, enfin et surtout les doctrines immorales qu’ils professent sur le choix des moyens, tout cela n’est bon, en quelque temps ou quelque pays que ce soit, qu’à ruiner les meilleures entreprises politiques… Il faut en outre, dans toute entreprise de ce genre, jouir de la confiance universelle ; mais les radicaux sont tellement décriés dans l’estime de tous les honnêtes gens, qu’ils déshonorent, au lieu de les servir, toutes les causes qu’ils embrassent… D’ailleurs enfin qui n’est pas bon à préparer ne vaut rien à diriger : or la première et principale préparation d’une réforme sociale consiste à répandre des idées et des lumières. Que font les radicaux à cet égard ? Quelle science enseignent-ils ? quels livres écrivent-ils ? à quels travaux s’adonnent-ils pour traiter et résoudre les graves et difficiles problèmes de la civilisation moderne ? Quelles nouvelles doctrines proposent-ils en place des anciennes ? Stériles jusqu’à l’impuissance en fait d’idées et d’inventions, rabâcheurs éternels de deux ou trois généralités vulgaires, ils ont la prétention de renouveler le monde, non pas à l’aide de la pensée, mais par des clameurs et des complots… » Il n’y a donc que deux partis dans les rangs desquels on puisse trouver et on doive prendre les vrais ouvriers du rinnovamento, le parti conservateur et le parti démocratique, à une condition pourtant encore dont il faut que l’un et l’autre reconnaissent la nécessité, à la condition qu’au lieu de se diviser, comme ils l’ont fait jusqu’ici, ils se réuniront et travailleront ensemble, sans arrière-pensée ni rancune, à l’œuvre de la libération commune.