Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nons d’entendre ont avec raison imité cette manière d’agir. Appelés par leur patriotisme au douloureux chevet de leur patrie, ils se sont attachés avant tout, eux aussi, à découvrir les vraies causes de la maladie qui la tue, et ils nous ont dit l’un et l’autre ce qu’ils en pensaient. Quels remèdes maintenant proposent-ils d’employer à combattre le mal qu’ils nous ont si bien décrit, et quel jugement convient-il à des assistans désintéressés comme nous sommes de porter sur l’efficacité probable de ces remèdes ? Si nous répondons à ces questions, nous aurons amené le travail que nous avons entrepris à produire ses conclusions.

Le problème que se sont proposé de résoudre l’abbé Gioberti et M. Ranalli n’est rien moins que nouveau dans l’histoire de leur pays, et bien des hommes d’état, bien des publicistes, bien des patriotes, des plus sublimes aux plus misérables, se le sont posé avant eux depuis la fameuse querelle du sacerdoce et de l’empire. Que de systèmes se sont produits à ce sujet depuis tantôt huit cents ans ! On en ferait un gros et triste volume. Il n’est pas de notre objet de reprendre les choses de si haut : pour donner une idée du trouble qui règne toujours à cet égard dans les têtes italiennes, nous remonterons seulement au commencement de ce siècle.

Depuis la révolution française à peu près jusque dans les premières années de la monarchie de juillet, on peut dire qu’un seul système régna dans l’opinion des Italiens sur la manière de régénérer leur pays : ce fut le système de cette vieille et inepte école révolutionnaire qui, partout où elle a prévalu, a commis ou fait commettre tant de sottises ou de forfaits. La société secrète dite des unitaires, qui se forma à Bologne vers 1795, et celle dite des rayons, qui s’y adjoignit peu après, furent jusqu’en 1815 l’âme et le bras de cette conspiration permanente, et aussi vaine que permanente, des patriotes italiens. À la chute de l’empire, ces sociétés disparurent pour faire place à celle des carbonari, dont les origines remontaient déjà aux dernières années du règne de Murat, mais qui, à partir de sa mort, prit, pour le garder jusqu’en 1830, le sceptre de l’opinion italienne. La révolution de juillet emporta le carbonarisme comme la chute de l’empire avait dissous les unitaires et les rayons ; mais une secte nouvelle, qui dure encore, en prit la place, et a continué jusqu’à nos jours les folies de ses devancières : ce fut cette Jeune-Italie dont M. Mazzini en 1831 fut le fondateur, et dont il est encore le chef. On connaît l’esprit de cette triste école, et on sait aussi tout ce qu’elle a causé de maux à la péninsule. Conspirer fut toujours et est encore tout son génie, comme s’il était une société de conspirateurs un peu étendue et un peu remuante dans les rangs de laquelle la police des états que cette société menace n’ait le plus aisé-