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prévenus de leurs historiens, se pénétrer de la pensée qu’exprime quelque part l’abbé Gioberti, que si un tel esprit doit continuer à prévaloir chez eux, ils n’ont plus qu’à pleurer à chaudes larmes (piangere a cald’ occhi) sur le sort de leur patrie, car alors elle est bien morte, et ce n’est qu’une illusion de songer à la faire revivre !

Il n’y aurait pas d’autre cause aux malheurs de l’Italie que cet étroit esprit municipal révélé par les accablantes confessions de l’abbé Gioberti et de M. Ranalli, qu’au jugement de tous les esprits sérieux ils seraient de reste expliqués. Et si notre dessein, en entreprenant cette triste recherche, avait été de montrer que le grand, j’allais dire le seul coupable en cette affaire est le peuple italien lui-même, nous pourrions nous arrêter ici : la lumière est faite. Cependant, si, envisageant les choses à ce point de vue, toute insistance est visiblement superflue, il n’est pas inutile à un autre égard de continuer quelques instans encore l’examen du Rinnovamento et des Istorie. L’impitoyable et patriotique analyse des deux historiens révèle encore une foule d’autres raisons du malheur de l’Italie. Sans prétendre les examiner toutes, nous en signalerons deux qui donneront au moins une idée du reste.

Il n’est question, d’un bout de la péninsule à l’autre, que de l’unanime désir de tous ses habitans de reconstituer coûte que coûte la nationalité italienne : à la bonne heure ; mais sans revenir sur la censure trop facile de l’esprit, universel aussi, de désunion qui rend cette unanimité de désir la chose la plus vaine du monde, les Italiens font-ils même tout ce qu’ils peuvent pour conserver les quelques lambeaux qui survivent encore de leur originalité nationale ? L’abbé Gioberti et M. Ranalli leur reprochent formellement au contraire de ne travailler qu’à détruire tous les débris subsistans de l’antique grandeur de leur patrie. L’abbé Gioberti surtout, très explicite et à notre avis très judicieux sur ce point, a consacré un des meilleurs chapitres de son livre à montrer que ses compatriotes vont abdiquant de plus en plus en toute chose toute originalité et toute initiative nationales. Il leur demande par exemple ce qu’ils font de leur ancienne originalité religieuse, ce que devient leur nationalité littéraire, où en est enfin depuis soixante ans l’autonomie de leurs aspirations politiques, et il n’a pas de peine à montrer que sur ces trois points si essentiels, le génie italien, sans y prendre garde, va déclinant de plus en plus.

« ….. L’indépendance d’un peuple, dit-il, repose avant tout sur l’originalité et sur la propriété de son génie, et ce génie n’a pas seulement pour expression les lois et les institutions, mais encore l’état actuel de la culture générale, l’état par exemple des croyances religieuses et celui de la littérature. — Où en sont d’abord nos croyances religieuses ? Nous méprisons la religion de nos pères, au lieu de tra-