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ment littéraire et politique, et l’un des monumens les plus remarquables de l’obstination généreuse de l’esprit italien à ne jamais désespérer de la régénération de l’Italie.

Ce Rinnovamento cependant est-il donc un chef-d’œuvre ? Il s’en faut ; à tout prendre même, il n’est pas le chef-d’œuvre de l’auteur. La critique ensuite, si elle s’arrêtait à le juger à titre de production littéraire, aurait ample matière à relever ses défauts. Il y règne une diffusion extrême. Les deux gros volumes de huit cents pages chacun dont il se compose seraient non-seulement sans inconvénient, mais encore avec avantage pour le lecteur, l’auteur et le sujet, réduits des trois quarts. Ce sont à chaque instant des digressions interminables sur des matières qu’aucun lien ne rattache au reste de l’ouvrage, des récriminations sans fin contre les personnages qu’à tort ou à raison l’abbé Gioberti accuse d’être les auteurs de ses mésaventures personnelles, des dissertations à perdre haleine sur des lieux communs de philosophie ou de politique, qui interrompent, pendant des chapitres entiers, la marche du raisonnement. Ajoutez des jugemens sur les personnes et sur les choses, non-seulement du temps de l’abbé Gioberti, mais des époques les mieux connues de l’histoire, dont la bizarrerie, pour ne rien dire de plus, est telle que si on ne faisait largement la part de la passion qui emporte l’écrivain, on concevrait la plus médiocre idée de son bon sens ; ajoutez enfin un style souvent prétentieux et obscur, puis, dans un sujet qui demandait avant tout du naturel et de la clarté, une recherche de l’abstraction et de l’effet qui irrite et qui rebute. Avec cela néanmoins, ce Rinnovamento, une fois commencé, se lit jusqu’au bout. Et pourquoi ? C’est qu’au milieu du fatras des choses inutiles ou fatigantes qu’on y rencontre, un livre y est contenu, dont l’intérêt est tel qu’on ne peut s’en détacher. Le vrai titre de ce livre, que les mots obscurs et emphatiques de Rinnovamento civile d’Italia n’indiquent guère, serait : « Des souffrances de l’Italie, de leurs causes et de leurs remèdes. » Tel est le sujet en effet que l’abbé Gioberti a malheureusement noyé dans ses deux gros volumes, mais qu’il n’en a pas moins traité avec un pathétique de langage, avec une sûreté d’analyse et une hardiesse de conclusions qu’il est impossible de méconnaître. Il parle des malheurs de son pays avec un attendrissement sincère et mâle qui va à l’âme ; il met à nu les causes jusqu’aux plus délicates de ces malheurs avec une vérité d’observation et une franchise de parole qui commandent la confiance ; il expose enfin les moyens qu’il croit propres à mettre un terme à cette longue infortune avec une habileté de dialectique et une chaleur de démonstration qui, quelque opinion qu’on ait de leur valeur, gardent une apparence qui impose. À ce dernier égard surtout, le Rinnovamento