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Quelque diligence qu’il y apportât, il fut impossible au maréchal Macdonald de lever ses camps avant le 20 décembre ; il divisa son corps en deux colonnes : la première, forte de 11,000 hommes, composée des divisions Bachelu, Grandjean et Masseubach, dont il prit lui-même la direction ; l’autre, plus faible, destinée à former l’arrière-garde sous les ordres du général York ; puis, ouvrant la marche, il se porta vivement sur Tilsitt. Malheureusement les Russes l’avaient partout prévenu. Wittgenstein avait inondé le pays de partisans et fait occuper par de fortes colonnes d’infanterie et plusieurs batteries d’artillerie les défilés par lesquels il devait passer. De leur côté, les Cosaques de Benkendorf, de Tettenborn et du jeune Kutusof, au nombre de 2,000, avaient fait irruption dans Tilsitt et en avaient chassé les 300 hommes qui en formaient la garnison sous les ordres du commandant Terrier, en sorte que Macdonald se trouva un instant coupé des places de la Vistule, des débris de la grande armée et du général York. Au moment où il débouchait sur Pictupohnen, il trouva devant lui une masse de cavalerie et d’infanterie russe ; une autre colonne, conduite par le général Diebitch, opérait sur son flanc droit. Macdonald, admirablement secondé par les hussards noirs et les dragons de Massenbach, fondit sur les Russes, leur tua et blessa 1,500 hommes, leur en prit 600, et poursuivit sa marche. Ses dangers cependant renaissaient à chaque pas. Enfin, après huit jours de marches pénibles par un froid de 25 degrés, grâce à l’admirable discipline qu’il sut maintenir dans son corps, à l’habileté avec laquelle il sut déjouer les projets de l’ennemi, en tournant les obstacles et en changeant de route, il parvint à gagner Tilsitt, qu’à son approche les Cosaques de Tettenborn et du général Kutusof s’étaient hâtés d’évacuer. Il y arriva le 28, en informa aussitôt le major-général, et lui annonça que la seconde colonne le rejoindrait certainement le soir même, ou au plus tard le lendemain. Le 29, le général Bachelu s’avança sur Regnist, où s’étaient retirés les escadrons du jeune Kutusof et de Benkendorf, et les força de s’éloigner. Toute cette journée se passa sans qu’on eût aucune nouvelle des généraux York et Kleist. Macdonald ne dissimulait point son anxiété, que semblaient alors partager le général Massenbach et son état-major. Même silence dans la journée du 30 ; mais le soir de ce jour on remarqua un changement soudain dans la physionomie des officiers prussiens. De soucieuse et agitée qu’elle était la veille, elle était redevenue calme, elle trahissait même une joie contenue, et l’on sut que le matin un message secret leur était parvenu. Enfin la fatale nouvelle arriva.

À peine le général York avait-il ébranlé ses troupes, qui se composaient de 7,500 hommes d’infanterie, de 300 hussards et de 31 pièces de canon, que les généraux Lewis et Diebitch se lancèrent