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tences que quand on a pu faire évanouir toutes les différences qu’on reconnaissait d’abord entre elles. Ainsi jamais avec des substances inorganiques on n’a pu faire des êtres vivans, jamais on n’a vu une plante prendre de la volonté et agir par choix de telle ou telle manière, hors de l’intervention des agens physiques. Jamais un singe ou un éléphant n’a acquis la pensée humaine. Notez bien qu’il peut y avoir dans notre espèce tel être abruti, malade ou mal organisé, qui soit au-dessous de la brute, car avec le plus on peut faire le moins, tandis que le contraire est impossible. Je ne me lasserai jamais de répandre cette théorie, qui me semble jeter du jour sur bien des questions contestées. Ainsi les passions que l’homme partage avec les animaux doivent être classées hors de l’âme et dans l’instinct, ce qui simplifie bien des complications et permet d’étudier les sensations dans leur nature propre, et hors de l’influence du principe de l’intelligence. Un animal, à sa volonté, met en mouvement un de ses membres. Nous suivons le fluide électrique qui, partant de telle ou telle partie de son cerveau, va parcourir les nerfs, contracter les muscles, et, par un système de leviers, faire obéir chaque organe à l’agent de la volonté. Mais qui a déterminé le premier mouvement de l’électricité? Ce principe, quelle en est la nature? Ici se place toute la théorie du magnétisme animal, et il est aussi difficile de la rejeter tout à fait que de l’admettre entièrement. Que croire? Provisoirement il faut savoir ignorer; c’est le plus sûr. Ce principe distinct qui constitue l’instinct n’en reste pas moins établi par l’impossibilité de concevoir une cause non spéciale.

J’aurais voulu m’arrêter ici, après avoir exposé dans ce mythe la création successive des quatre grands principes ou essences de la nature, mais on me demande de reprendre la plume pour le chapitre accessoire intitulé : Comme quoi les intelligences, célestes ne furent pas plus heureuses à organiser le monde qu’elles ne l’avaient été à le créer. Cette continuation, qui a trait à la puissance qui gouverne l’univers métaphysique, n’a point de rapport direct avec les sciences d’observation, quoique composée à l’occasion de la thèse que Leibnitz soutint avantageusement contre Newton, savoir : que la puissance qui avait produit l’univers devait avoir su l’organiser d’une manière stable, et que le système du monde, contre l’assertion du grand mathématicien anglais, n’aurait jamais besoin d’une main réparatrice. Je continue donc notre mythe.

Les hommes ayant été créés, comme il vient d’être dit, Dieu s’adresse à son cortège céleste : « Puisque vous n’avez pas su créer le monde, tâchez au moins de l’organiser. Voici sur une petite planète toute la race humaine avec ses divers âges, ses diverses organisations, ses passions nombreuses, toutes les occupations de la vie individuelle et de la vie sociale; voilà bien des ingrédiens pour composer une vie dont je limite la durée à cent ans au plus. Allez, et traitez vos gens de manière qu’ils ne soient pas trop à plaindre. »

Aussitôt voilà les intelligences célestes qui se partagent l’humanité entière