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possibilité de la chose en elle-même. Leur pensée n’échappa pas au souverain maître qui leur dit : « Regardez ! »

Alors Dieu créa d’une seule conception tout le monde matériel. La matière, l’espace et le temps, les trois fondemens de notre monde physique, furent établis. Chaque soleil lança ses feux et sa lumière sur les planètes de son domaine et envoya ses rayons visiter les autres soleils à des distances incommensurables. La voie lactée se forma de soleils sans nombre que la puissance créatrice pourrait seule compter, et dans les profondeurs du ciel d’autres voies lactées s’échelonnèrent comme des nuages de soleils, en aussi grand nombre dans l’espace que les soleils individuels l’étaient eux-mêmes dans chaque voie lactée prise isolément. Les légères comètes voyagèrent au travers des soleils massifs, et sur chaque planète, accompagnée ou non de lunes et d’anneaux, la chaleur et la lumière furent distribuées pour faire les saisons et les climats. Les atmosphères dispensèrent la pluie et les diverses sortes d’arrosement, tandis que dans ces mêmes atmosphères les météores de la foudre, des orages, des vents, offraient un tableau perpétuellement variable. Les masses continentales elles-mêmes, par leurs secousses violentes et par l’éruption des feux souterrains, semblèrent protester contre la solidité inerte qu’on aurait été tenté de leur attribuer : toutes les planètes d’ailleurs étaient encore désertes; la matière seule, le monde inorganique seul existait, n’obéissant encore qu’aux lois de la physique, de la chimie et de la mécanique.

Quant à la stupeur des témoins de cette grande création, on peut se la figurer. C’était, à l’envie près, quelque chose de semblable à ce que nous dit Milton de l’étonnement de Satan contemplant le soleil pour la première fois. Au point de vue des esprits immatériels, une existence nouvelle et tout à fait distincte de l’intelligence était inconcevable. Elle était cependant. La réalité attestait le possible.

Une seconde fois il leur fut donné de créer; mais ils ne produisirent encore que des soleils, des planètes, des amas d’étoiles, des mondes matériels semblables aux premiers. Les limites de l’univers furent prodigieusement étendues par cette espèce de contrefaçon de la création primitive. Tandis qu’ils étaient encore dans la stupéfaction de leur impuissance, le Tout-Puissant donna naissance à une nouvelle existence. C’était le principe de la vie. Il peupla les planètes de végétaux ayant une vie isolée et individuelle, et cette faculté de développement et de reproduction si justement indiquée comme fondamentale dans les livres saints. Cette union de deux principes essentiellement nouveaux l’un et l’autre, et l’individualité des êtres qui en résultaient, le peuple végétal des planètes qui les enveloppa de vie, tout était imprévu pour des esprits sans matière et sans organisation. Je n’ai pas besoin de dire qu’ayant essayé de faire un dernier et vain effort pour créer eux-mêmes des vitalités essentiellement différentes de celles qu’ils contemplaient, ils renoncèrent à l’exercice du pouvoir créateur.

En faisant une pause dans ce récit, j’ai toujours remarqué que l’auditoire