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des Russes. De son côté, le marquis de Paulucci rassembla ses forces et sortit de Riga. N’éprouvant qu’une faible résistance, il devint plus entreprenant. L’intention du maréchal Macdonald était de l’attirer loin de la place, de l’engager insensiblement, puis de fondre sur lui, de le couper de Riga et de l’écraser. L’ennemi tomba dans le piège, perdit six de ses bataillons, tandis que de notre côté les pertes furent insignifiantes. Dans cette série de combats qui ne durèrent pas moins de six jours et par un froid très rigoureux, toutes les troupes qui faisaient partie du contingent rivalisèrent de valeur et d’intelligence. Ce fut la dernière fois que Prussiens et Français mêlèrent sur le même champ de bataille leur sang et leurs trophées.

Enflammée par les récits de nos désastres et les excitations des généraux russes, la haine profonde que nous portait York commençait à se manifester en toutes occasions. Irascible et insoumis, il contrariait tous les plans de Macdonald. Sur les champs de bataille, il n’était plus le même homme : on eût dit qu’il s’appliquait à refroidir l’ardeur de ses troupes en refusant la victoire lorsqu’elle s’offrait à lui. Sa correspondance avec le maréchal ne tarissait point en récriminations. Un jour il se plaignait des positions périlleuses assignées à ses troupes ; un autre, qu’elles manquaient de tout, que ses chevaux mouraient de faim, et il demandait, dans une forme impérieuse, de nouveaux cantonnemens. Pendant longtemps, le duc de Tarente avait supporté avec une patience inaltérable les torts de son subordonné, aimant mieux les imputer à son humeur acrimonieuse qu’à un plan de conduite prémédité ; mais enfin, poussé à bout, il écrivit, le 29 novembre, au général York : « Toute votre conduite est une suite d’infractions à l’obéissance que vous me devez comme à votre commandant en chef. Jusqu’ici, j’ai opposé la douceur et la condescendance à la haine peu dissimulée que vous portez à tout ce qui est Français. » Puis il lui prouva, par les rapports des intendans généraux de Courlande, que sa sollicitude n’avait jamais failli un seul jour, et il ajouta : « Je suis trop sincère pour vous cacher que j’instruirai l’empereur de vos dispositions, afin qu’il puisse s’en entendre avec le roi votre maître. Avant de finir, je veux vous dire, en me servant des propres termes de votre excellence, que si vos chevaux crèvent, ce ne sera pas de faim, mais d’embonpoint[1]. »

Le 30 novembre, les Russes firent une nouvelle sortie et attaquèrent nos cantonnemens. Cette fois encore ils furent repoussés, et ils eussent été complètement défaits, si, à dix heures du matin, au plus fort de l’action et à la grande surprise de l’armée, le général York n’eût fait tout à coup cesser le combat et la poursuite. À cette nouvelle, Macdonald éclate indigné, et le 2 décembre il écrit de Stalgen

  1. Dépôt des archives des affaires étrangères.