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tendant à endormir l’opinion et à la détourner de la question de l’enseignement, qui est devenue l’unique et ardente préoccupation. On en était là au lendeuiain du vote de l’adresse. Il était évident que la lutte n’était point finie, le moindre incident suffirait pour la ranimer. L’occasion seule manquait, et elle s’est présentée naturellement dans la discussion du budget. Cette discussion a duré un mois entier, et elle a été pleine de péripéties, d’incidens presque orageux, qui ont permis à toutes les opinions de se produire, à toutes les situations de se dessiner. Encore une fois toutes les questions politiques ont été agitées. Comment s’est formé le ministère actuel ? N’arrive-t-il pas au pouvoir avec une pensée réactionnaire, avec la résolution persistante de porter atteinte à la loi fondamentale ? Quelles sont ses vues sur l’enseignement primaire ? Les antécédens mêmes des ministres ont été sévèrement scrutés. Le cabinet, représenté principalement par le ministre de l’intérieur, M. Simons, et le ministre de la justice, M. van der Brugghen, s’est délendu non sans talent, en restant souvent dans des généralités, il est vrai, mais aussi en donnant certains gages de modération.

Ce n’était là du reste que la discussion générale, et il fallait bien finir par entrer dans les détails du budget. Or c’est ici que commencent les péripéties. Chaque chapitre devenait l’occasion d’une discussion nouvelle, chaque vote était vigoureusement disputé. Le chapitre de la maison du roi était d’abord adopté à l’unanimité ; mais la lutte devenait sérieuse à propos des dépenses du ministère de la justice, et elle prenait un caractère particulièrement grave quand on venait au budget du ministère de l’intérieur, l’un des plus importans. Ici la chambre se scindait en deux parties égales ; 32 voix se prononçaient pour l’adoption, 32 voix pour le rejet du chapitre. Le lendemain, une nouvelle épreuve avait le même résultat. Le ministre de l’intérieur, M. Simons, offrait immédiatement sa démission, que le roi n’acceptait pas. Une maladie subite du ministre de l’intérieur est venue tempérer cette crise, et M. Simons a été remplacé temporairement par le ministre des cultes réformés, M. van Rappard. De plus, la chambre a adopté une loi de crédit pour six mois, afin de ne point laisser souffrir les services publics. Le budget de la guerre a provoqué des débats plus orageux encore. Le ministre, M. Forstner de Dambenoy, a défendu si chaleureusement son chapitre, qu’il a fini par se faire admonester par le président de la chambre, et le scrutin présentait encore le fatal partage de 31 voix négatives contre 31 voix affirmatives. Le lendemain, une nouvelle épreuve ne donnait qu’une voix de majorité au budget de la guerre. Partout a éclaté cette scission, qui n’était point de nature à rapprocher les esprits, à ranimer la confiance et à donner de la force au cabinet. L’opposition avait une dernière bataille à livrer, et elle l’a livrée à l’occasion d’un chapitre particulier du budget, celui des dépenses imprévues, qui est à peu près ce qu’étaient autrefois les fonds secrets en France. MM. van Bosse et Thorbecke ont soutenu cette lutte nouvelle au nom de l’opposition, et s’ils n’ont point gagné leur bataille, le chapitre des dépenses imprévues n’a du moins obtenu que deux voix de majorité.

On voit ce qu’il y a eu de vivacité et d’animation dans cette lutte parlementaire, après laquelle les séances de la seconde chambre ont été suspendues jusqu’au mois de février. Il serait facile, ce nous semble, de dégager de ces discussions certains faits propres à caractériser les conditions politiques dans