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ravagent les provinces contiguës. C’est ce qui explique comment la Perse a fait bien des fois déjà le. siège d’Hérat et comment elle vient de le reprendre encore. De son côté, l’Angleterre tient essentiellement à l’indépendance de cette position, qu’elle consentirait bien à occuper sans doute, mais qu’elle ne veut point laisser à la domination persane. De là une des raisons principales de la guerre récemment déclarée. La proclamation du gouverneur-général de rinde se fonde sur la violation d’un traité resté secret jusqu’ici et qui remonte à 1853, traité par lequel la Perse s’engageait à abdiquer ses prétentions sur Hérat, à respecter l’indépendance de cette ville et à ne point chercher à J’occuper, à moins qu’elle ne fut menacée par d’autres envahisseurs. Or c’est de cette dernière réserve que s’arme justement la Perse. Elle soutient qu’elle n’a marché sur Hérat que parce que l’émir de l’Afghanistan, Dost-Mohamed, allait l’envahir. L’Angleterre n’a point trouvé la raison suffisante, et le gouverneur de l’Inde a fait partir une expédition pour le Golfe-Persique. Cette expédition se combinera-t-elle avec quelque autre opération par l’intérieur asiatique ? On ne peut le savoir. Dans tous les cas, ce n’est pas seulement la Perse que combat l’Angleterre, c’est la Russie. Voilà les deux ennemies ! Ce n’est pas que la Russie et l’Angleterre en soient tout à fait à se rencontrer en Asie r elles sont séparées encore par d’énormes distances ; seulement elles sentent qu’elles se rencontreront. Elles avaient essayé pendant nombre d’années de s’entendre, de mettre entre elles une sorte d’intervalle, en faisant de la Perse un état intermédiaire. Aujourd’hui la lutte recommence. La question est de savoir si elle est destinée à dépasser prochainement les limites d’une lutte d’influence, comme elle l’a été jusqu’ici.

Il y a dans l’Europe actuelle des malaises de plus d’une sorte ; il y a ces malaises qui tiennent au vice de certaines situations, à des antagonismes puissans, à tous les rapports des gouvernemens, et il y a des malaises d’une autre nature, qui naissent de ce travail intérieur où les institutions des peuples sont en cause. Depuis quelque temps déjà, la Hollande est livrée à une de ces crises intérieures. Le cabinet et le parlement sont en présence, l’un et l’autre soutiennent la lutte vigoureusement, sans céder de terrain, mais aussi sans se laisser entraîner par les passions extrêmes. Dès l’ouverture de la session, nous l’avons dit récemment, ce conflit s’était engagé, et il se dénouait momentanément par le vote d’une adresse significative dans la seconde chambre des états-généraux. Le grand champ de bataille était la question de l’enseignement primaire qui avait été la première cause de l’avènement du ministère actuel. Au fond, le cabinet de La Haye se proposait, non plus de soumettre aux chambres un projet spécial sur l’instruction primaire, mais de présenter une organisation générale de toutes les branches de l’enseignement. Or, dans ce projet si vaste, et trop étendu pour être d’une réalisation pratique bien aisée, l’opposition, devenue défiante, croyait voir l’arrière-pensée de ne rien présenter du tout, ou du moins d’ajourner indéfiniment toute discussion sur la loi réglant l’enseignement primaire. En outre, si la Hollande est un pays essentiellement pratique, elle n’est pas moins sensible aux choses de l’intelligence, et en voyant depuis quelques mois le ministère s’occuper avant tout de nommer des commissions pour l’examen d’affaires matérielles, telles que le percement de l’isthme de Suez, les chemins de fer, le régime de la santé publique, on craignait qu’il n’y eût là une certaine préméditation