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Le général York avait repoussé avec indignation les offres d’Essen, rompu toutes négociations avec lui, et en avait aussitôt informé le roi. Ce souverain était en ce moment aux eaux de Tœplitz. Il répondit, le 12 septembre, au général qu’il partageait sa manière de voir quant à la nature compromettante des ouvertures qui lui avaient été faites, mais que néanmoins il lui paraissait désirable qu’il renouât la négociation commencée. Le chancelier d’état baron de Hardenberg écrivit le lendemain 15 au général : « L’exécution de l’ordre du roi exige la plus grande prudence. Pour éviter toute fausse interprétation, votre excellence trouvera sans doute dans son expérience éprouvée les meilleurs moyens à choisir. »

Ces lettres, où les secrètes et timides tendances du roi se trahissaient à peine sous les voiles d’une phraséologie énigmatique, eussent été pour tout autre inexplicables : mais habitué à lire dans les replis de l’âme troublée et irrésolue de son souverain, York y démêla les nouveaux indices de cette mobilité qui poussait incessamment ce prince à ménager tous les intérêts, à caresser toutes les chances, à épier, sauf à n’avoir point le courage d’en profiter, toutes les occasions de sortir de la douloureuse situation où l’avaient placé ses fautes et ses malheurs. Il devina qu’on attendait de son dévouement d’autres preuves que de seconder vigoureusement les entreprises du duc de Tarente, et que sa mission commençait à devenir plus politique que militaire.

La garnison de Riga ayant reçu de puissans renforts, le général Essen entreprit, du 27 septembre au 1er  octobre, une série d’opérations qui furent toutes malheureuses, et dans lesquelles il perdit environ 10,000 hommes, dont 6,000 tués et blessés et 4,000 prisonniers. Les Prussiens, conduits par York en personne, montrèrent dans ces diverses affaires autant d’intrépidité que d’intelligence. Macdonald, empressé à saisir toutes les occasions de gagner la confiance du général York, rendit un éclatant hommage à sa belle conduite et à celle de ses troupes ; mais York, indifférent à ces flatteuses avances, n’y répondait qu’avec une politesse froide et dédaigneuse. En vain Macdonald s’efforçait-il de l’attirer dans son cercle intime ; le taciturne général s’en tenait obstinément écarté et ne semblait occupé qu’à empêcher tout contact étranger d’altérer dans son unité nationale le corps placé sous ses ordres.

Cependant l’hiver approchait. L’on reçut à Riga, au commencement de novembre, les premières nouvelles de notre retraite de Moscou. Le 4, le gouverneur de Riga en donna secrètement connaissance au général York et les fit répandre dans le camp prussien ; il écrivit au général : « Arrêtez Macdonald, donnez à vos compatriotes l’exemple d’une résolution courageuse. Vous avez tout à gagner, rien