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çais et sa nouvelle dynastie. Il craint que des distractions constantes et des guerres toujours incessantes ne laissent pas à l’empereur le temps d’achever son ouvrage. Il craint pour sa fille, pour son petit-fils, qu’il affectionne beaucoup ; ses inquiétudes ont altéré sa santé. » Le 21 janvier, notre ambassadeur écrivait encore : « J’ai trouvé parfaitement franche et conséquente la politique du cabinet de Vienne, Il a proposé son entremise au moment où il a appris que sa majesté quittait Moscou. Les grands désastres survenus depuis n’ont point changé ses dispositions. Il nous a tenu constamment le même langage. » l’empereur d’Autriche se trouvant un jour chez la comtesse Duboucquoi, cette dame parla de la possibilité de recouvrer les provinces perdues. L’empereur l’interrompit par ces mots : « Mon règne a été très agité, mes peuples sont fatigués de même que moi ; je ne cherche que le repos et les moyens de consolider la monarchie. Je désire avant tout que mes peuples soient heureux, et que je puisse mourir en paix. »

Il est incontestable que tout dans l’attitude de l’Autriche, ses actes, son langage et jusqu’à la physionomie de son principal ministre, attestait l’intention de rester en paix avec la France. Elle brûlait certainement de recouvrer les provinces perdues en 1809, en attendant qu’elle pût recouvrer celles perdues en 1806 ; mais son désir très sincère était d’arriver à ce grand but par la pacification générale ou continentale, lorsque la défection du général York changea toute la face des choses, déchaîna à Vienne comme partout les haines de nos ennemis, et poussa violemment cette cour hors des voies où elle eût désiré s’engager.

La défection du général York n’a été ni soudaine, ni imprévue. Elle a été, au contraire, le résultat de tout un ensemble de circonstances qu’il est indispensable de connaître, si l’on veut en apprécier sainement le véritable caractère.

York appartenait à cette noblesse de province pauvre, mais fière et vouée par tradition à la profession des armes. L’éducation n’avait fait que développer chez lui l’aptitude naturelle. C’était un militaire d’une grande distinction. Après la bataille d’Iéna, il commandait l’arrière-garde de l’armée royale qui se replia sur Lübeck, et, dans cette périlleuse retraite, il déploya un sang-froid et une fermeté qui le signalèrent à l’estime du roi. Après la paix, Frédéric-Guillaume le nomma général-major, et le chargea de réorganiser les débris de ses corps rassemblés autour de Memel. À l’occasion de ces nouvelles fonctions, il l’appela souvent près de sa personne, et peu après l’admit fort avant dans sa confiance et dans celle de la reine. York, touché de leur bonté et de leur infortune, sentit redoubler dans son cœur l’attachement qu’il leur portait. Jusqu’en 1812, il ne cessa d’exercer des commandemens militaires d’une grande importance