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la petite-vérole, ai-je permis à une mercenaire de le soigner ? Non. » Le patient Clump se répand en complimens doucereux, et, poussant sa pointe à travers les interruptions, les protestations, les offres de sacrifices, les déclamations contre le neveu, finit par toucher terre. Il insinue délicatement qu’il faudrait mener la malade au grand air. « La vue de son horrible neveu rencontré dans le parc où l’on dit que le misérable se promène avec la complice endurcie de ses crimes, dit alors mistress Bute (laissant échapper le chat de l’égoïsme hors du sac de la dissimulation), lui causerait une telle secousse que nous aurions à la rapporter dans son lit. Elle ne doit pas sortir, monsieur Clump ; elle ne sortira pas, aussi longtemps que je serai là pour veiller sur elle. Et quant à ma santé, qu’importe ? je la sacrifie de bon cœur, monsieur ; je l’immole sur l’autel de mon devoir. » Il est clair que l’auteur en veut à mistress Bute et aux captateurs d’héritages. Il lui prête des gestes ridicules, des phrases pompeuses, une hypocrisie transparente, grossière et bruyante. Le lecteur éprouve de la haine et du dégoût pour elle à mesure qu’elle parle. Il voudrait la démasquer ; il est content de la voir pressée, acculée, prise par les manœuvres polies de son adversaire, et se réjouit avec l’auteur, qui lui arrache et lui souligne la confession honteuse de sa grimace et de son avidité.

Arrivée à cet endroit, la réflexion satirique quitte la forme littéraire. Pour mieux se déployer, elle s’étale seule. Thackeray vient en son propre nom attaquer le vice. Nul auteur n’est plus fécond en dissertations ; il entre à chaque instant dans son récit pour nous tancer ou nous instruire, il ajoute la morale de théorie à la morale en action. On pourrait extraire de ses romans un ou deux volumes d’essais à la façon de La Bruyère ou d’Addison. Il y en a sur l’amour, sur la vanité, sur l’hypocrisie, sur la bassesse, sur toutes les vertus, sur tous les vices, et en tournant quelques pages, on en trouvera un sur les comédies d’héritages et sur les parens trop empressés.


« Quelle dignité donne à une vieille dame un compte ouvert chez son banquier ! Avec quelle tristesse nous regardons ses imperfections si elle est notre parente (et puisse chaque lecteur avoir une vingtaine de telles parentes !). Qui de nous ne la juge une bonne et excellente vieille ? Comme le nouvel associé de Hobs et Dobs sourit en la reconduisant à sa voiture blasonnée, garnie du gros cocher asthmatique ! Comme nous savons, lorsqu’elle vient nous rendre visite, découvrir l’occasion d’apprendre à nos amis sa position dans le monde ! Nous leur disons (et avec une parfaite sincérité) : Je voudrais avoir la signature de miss Mac-Whirter pour un bon de cinq mille guinées. — Elle ne serait pas à court, dit votre femme. — Elle est ma tante, dites-vous d’un air aisé, insouciant, quand votre ami vous demande si par hasard elle ne serait pas votre parente. — Votre femme lui envoie à chaque