Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mire d’un côté les institutions et les mœurs ; de l’autre, l’homme me paraît plus éprouvé. Quand je lis aujourd’hui cette biographie écrite d’une main toujours ferme, sans envie et sans amertume, avec une foi impérissable dans des idées maintenant vaincues, je me demande si Peel, également frappé par la fortune, en aurait fait autant, et si l’historien ne se montre pas ici supérieur à son modèle. Nous payons assez cher cette supériorité pour n’avoir aucune mauvaise grâce à la revendiquer.

Il faut être doué d’un grand calme d’esprit et d’une grande force de conviction pour exprimer, comme le fait M. Guizot, dans l’état actuel de l’Europe, sa confiance dans l’avenir de la démocratie universelle. Il est vrai qu’il ne l’exprime pas sans réserve. La démocratie ne peut, dit-il, aspirer définitivement à la domination qu’à la condition de porter aux traditions du passé plus de respect, de donner aux impressions du présent moins d’empire, et de tenir plus de compte des besoins et des chances de l’avenir. Plus de mémoire et plus de prévoyance, voilà à ses yeux toute la question ; il espère qu’elle sera résolue à l’honneur des gouvernemens libres et de l’humanité. Comment ne pas partager cette noble espérance, quand elle émane d’un homme qui aurait, s’il le voulait, tant à se plaindre de la démocratie et de la liberté ? La fatalité qui veut que les hommes et les idées les plus funestes au peuple soient chez nous les plus populaires ne durera pas toujours ; les nations s’instruisent lentement, mais elles finissent par s’instruire, surtout quand l’expérience ne leur ménage pas ses leçons.


Léonce de Lavergne.