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genre de leçon, une leçon de réserve et de scrupule. Les mariages des princes n’ont pas de nos jours l’importance qu’ils avaient autrefois. Si le ministre anglais ne méritait aucun égard, la nation anglaise en méritait davantage ; elle pouvait s’offenser, elle s’est en effet offensée de ce qu’elle a regardé comme un manque de foi. L’union d’un fils du roi avec l’héritière de la couronne d’Espagne risquait d’amener des embarras continuels et de devenir une cause permanente de division. Un gouvernement plus libre dans ses mouvemens aurait pu suivre cette politique prévoyante ; le nôtre ne le pouvait pas. Le mariage de la reine Isabelle avec le candidat anglais aurait été pour nous un échec fatal. L’opposition, qui guettait l’événement pour le blâmer et le calomnier, quel qu’il fût, aurait eu trop beau jeu à parler de honte et de décadence. Le sentiment national, exalté jusqu’à la folie par de perfides déclamations, en eût été profondément froissé. Puisque la plus grande démonstration de puissance que la France eut donnée depuis longtemps n’a pu empêcher la catastrophe de février, la démonstration contraire l’eût précipitée, et le gouvernement royal aurait succombé sous l’humiliation d’une défaite, au lieu de tomber le lendemain d’un triomphe.

Je sais bien que l’opposition, qui n’aurait pas eu de pitié pour un échec, n’a pas eu plus de ménagement pour un succès : elle eût tonné dans un cas contre la France chassée d’Espagne, perdant à jamais le fruit d’une politique séculaire, contre l’Angleterre grandissant jusqu’aux nues, tandis que notre pays descendait jusqu’aux abîmes ; elle a tonné dans l’autre contre la politique personnelle, contre le roi sacrifiant l’intérêt national à un intérêt de famille et la désastreuse ambition de Louis XIV ressuscitée. Tout était également faux dans les deux thèmes ; mais puisqu’on a trouvé faveur pour le second, combien n’eût-on pas réussi avec le premier !

Une fois mis au pied du mur par lord Palmerston, notre gouvernement ne pouvait faire que ce qu’il a fait. Tout a contribué à l’y contraindre, le gouvernement espagnol le premier, qui voulait à toute force ce qu’il appelait « un grand mariage, » l’appui de la France ou de l’Angleterre. Nous sommes encore loin du temps où les peuples verront leur intérêt et leur honneur où ils sont véritablement. Un seul moment, la vraie politique a prévalu, quand lord Aberdeen et M. Guizot étaient ministres ensemble ; mais que d’accusations ils ont soulevées l’un et l’autre des deux côtés du détroit ! À la première occasion, le vieil antagonisme des deux peuples a reparu. Un journal anglais affirmait dernièrement que Louis-Philippe était tombé parce qu’il avait déplu à l’Angleterre ; ce n’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas non plus tout à fait faux. Lord Palmerston, battu en Espagne, a conspiré en France avec l’opposition révolutionnaire ; pour-