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l’administration, on sait comment il a été reçu. La république et l’empire ne l’ont pas moins honnie que l’ancien régime. La restauration est le premier de nos gouvernemens qui ne l’ait point regardée absolument comme une ennemie ; elle a fondé la chaire de J.-B. Say, mais avec des précautions et des réserves, et plutôt comme hommage à la liberté des opinions que comme aveu de son importance. La monarchie de 1830 est la seule qui ait osé donner à l’économie politique son véritable nom, qui ait créé l’enseignement de son plus illustre représentant parmi nous, Rossi, et qui ait essayé de l’appliquer dans quelques détails. Cette tendance n’a été suivie ni par le public ni par les chambres. Après la révolution de février, l’antipathie s’est reproduite de plus belle ; non-seulement le gouvernement provisoire a voulu supprimer toutes les chaires où elle s’enseignait, mais le plus grand succès oratoire dans l’assemblée nationale républicaine a été obtenu à ses dépens, et la seule loi que le corps législatif impérial ait jusqu’ici refusé de voter avec empressement est précisément la seule qu’elle ait inspirée.

Les vérités économiques font leur chemin par leur force propre ; je ne suis nullement inquiet de leur avenir. Elles triompheront des folles théories des uns, des préoccupations égoïstes des autres, de l’irréflexion de tous. Il faut cependant avouer qu’elles ont peu d’attrait pour le génie français ; nous serons probablement, nous sommes déjà le dernier peuple du monde à les reconnaître. Cette incapacité singulière s’explique par bien des causes ; l’erreur de quelques économistes français, qui ont gâté par leurs écarts la cause qu’ils prétendaient défendre, y est pour quelque chose : ce n’est pas assez, il faut des motifs plus sérieux et plus profonds ; je crois les trouver dans l’histoire nationale qui nous a donné l’habitude d’idées opposées, et surtout, car l’histoire elle-même a ses causes, dans notre goût pour l’extraordinaire, l’imaginaire, l’idéal, l’inconnu, qui nous a fait de tout temps délaisser la réalité pour courir après des ombres. Comment s’étonner alors que le gouvernement le plus éclairé n’ait pas été plus fidèle aux principes économiques ? Il faut plutôt lui savoir gré de ce qu’il a pu faire, ayant l’opinion publique contre soi ; il faut surtout le louer d’avoir essayé de préparer l’avenir en répandant la semence de la science. Au moment de la révolution de février, la chambre des pairs était saisie d’un projet de loi qui instituait dans chaque faculté de droit une chaire d’économie politique ; que pouvait-on de plus ?

Il y a dans notre organisation générale, au point de vue économique, un vice capital, l’excès de centralisation. La monarchie de 1830 n’en a pas été exempte, mais on ne peut raisonnablement lui attribuer la plus grande part de responsabilité. Elle a trouvé la centrali-