Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même pas toujours. Après tous les avortemens de 1848, que de rêveurs croient encore à la possibilité d’une subversion sociale ! À plus forte raison, quand l’épreuve n’était pas encore faite. Un peu plus ou un peu moins de travail, un peu plus ou un peu moins de bien-être, qu’était-ce qu’une pareille misère auprès des promesses indéfinies qui devaient avoir un si douloureux réveil ?

Dira-t-on qu’à défaut de la liberté commerciale, le gouvernement devait faire autre chose pour le peuple ? Je le veux bien, à la seule condition qu’on me dise quoi. Je souhaite de toute mon âme qu’on invente de plus rapides moyens de faire du bien au peuple ; les formes de gouvernement n’ont de valeur qu’autant qu’elles permettent de mieux servir la plus sacrée des causes, celle de tous. Malheureusement je ne vois pas ce qu’on a trouvé de sérieux depuis. Le suffrage universel lui-même n’a pas eu jusqu’ici la puissance de résoudre le problème. Tout ce qui a été fait de quelque valeur dans ces dernières années, comme les caisses de retraite pour la vieillesse, avait été préparé et annoncé dans le discours du trône de décembre 1847 ; ce discours avait même indiqué une mesure qui n’a pas encore été prise, et qui pourrait avoir de grands effets pour la production agricole, et conséquemment pour l’alimentation publique, une loi sur les biens communaux. Les deux plus grands établissemens qui existent dans l’intérêt de la classe ouvrière, les caisses d’épargne et l’institution des prud’hommes, ont pris leur principal développement sous la monarchie constitutionnelle. Tout ce qui a été essayé de ce qu’elle avait refusé a tourné contre le but qu’on se proposait. Il n’en faut pas conclure sans doute qu’il en sera toujours ainsi : en pareille matière, on n’est jamais bien sûr d’être arrivé aux dernières limites du possible ; tout ce qu’on peut affirmer, c’est que, jusqu’à présent, rien de nouveau n’apparaît à l’horizon.

Ce n’est pas que la science de l’économie politique soit impuissante. Elle seule propose, à mon sens, les moyens les plus sûrs ; mais on n’en veut pas, on n’en a jamais voulu, et les plus intéressés à les faire prévaloir sont les premiers à les repousser. De tous les grands gouvernemens, le gouvernement anglais est le seul qui ait jusqu’ici fait passer les principes de l’économie politique dans la pratique des affaires ; aussi est-il un des meilleurs. Le mérite en revient moins au pouvoir qu’à la nation tout entière. Quand un ministre anglais parle le langage de la science économique, il est sûr d’être compris par ceux qui l’écoutent. En France, c’est le contraire. L’économie politique est née en France, comme presque toutes les grandes découvertes modernes, mais elle y a été traitée dès sa naissance comme la vapeur ou l’application de la mécanique à l’industrie. Quand Turgot a voulu, sous Louis XVI, la faire entrer dans