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de varier et de distinguer les espèces. Partout au contraire elle se répète et reproduit les mêmes procédés de différenciation. Un seul exemple, emprunté aux animaux les plus connus, fera facilement saisir ce fait et les conséquences qu’on en peut tirer. Le type général des mammifères présente deux modifications. Chez les uns, les plus nombreux et qu’on trouve partout, les petits se développent à l’intérieur de la mère et viennent au monde faibles sans doute, mais entièrement formés. Chez les autres, dont la patrie est surtout la Nouvelle-Hollande, les jeunes quittent le sein maternel encore à l’état d’embryon, et passent les premiers temps de leur existence dans une poche placée sous le ventre des femelles. Des particularités anatomiques sur lesquelles il est inutile d’insister coïncident avec ces faits physiologiques fondamentaux. Les mammifères ordinaires et les mammifères marsupiaux forment donc deux groupes distincts. Or tout le monde sait que de légères différences dans les dents, le tube alimentaire, les organes de locomotion, etc., constituent chez les premiers autant de caractères, qui les ont fait partager en un certain nombre de groupes secondaires appelés ordres. Des modifications presque identiques se retrouvent chez les seconds, et devaient se traduire de même dans les classifications. On peut conclure de là que l’ensemble des mammifères se décompose en deux séries ayant chacune ses carnassiers insectivores, ses rongeurs, ses ruminans, etc.

Ainsi la loi d’économie, que nous avons vue jusqu’à présent servir à établir des différences, à éloigner les espèces l’une de l’autre, produit ici un résultat inversé. Elle fonde entre les espèces appartenant à deux séries radicalement distinctes des rapports en quelque sorte collatéraux. C’est à ces rapports qu’on donne dans la méthode naturelle le nom d’analogies, et les espèces rattachées ainsi entre elles, quoique appartenant à des groupes parfois fort éloignés, sont appelées analogues zoologiques ou termes correspondans. La recherche de ces analogies, la détermination de ces termes, sont devenues avec raison une des principales préoccupations de la science moderne. On a pu ainsi mieux démêler les affinités directes, les véritables parentés zoologiques, et l’ensemble du règne animal s’est trouvé éclairé d’un jour tout nouveau. M. Isidore Geoffroy a donc rendu à la science un véritable service en insistant plus que tout autre sur l’importance de cette étude, en s’efforçant le premier d’en traduire les résultats par la classification parallélique dont nous avons parlé.

Nous pourrions suivre M. Edwards jusqu’au bout de son livre, rechercher avec lui comment au milieu des modifications innombrables de l’espèce apparaissent toujours et se conservent intacts les