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chercher à coordonner, ne fût-ce que pour lui-même, l’ensemble de ses connaissances. Sans renoncer aux recherches spéciales[1], il a entrepris presque coup sur coup deux ouvrages, tous deux rédigés dans ce sens. Dans l’un, il résume plus spécialement les idées qui l’ont guidé au milieu de ses travaux et de son enseignement oral ou écrit ; l’autre doit être pour ainsi dire la preuve et le développement du précédent, en même temps qu’il doit présenter le tableau détaillé de la science actuelle. Tous deux, bien qu’inachevés, caractérisent très nettement les tendances de M. Edwards et celles de l’école qu’il représente. Le premier surtout renferme, on peut le dire, tout un corps de doctrines, et à ce titre doit appeler particulièrement notre attention.


III

La création vivante est pour ainsi dire l’infini animé. Qu’il parcoure du regard les airs, la terre ou les eaux, le naturaliste aperçoit partout et à toute heure des êtres en train de naître, de se développer, de mourir. S’il creuse les entrailles du globe, il rencontre les ossemens, les moules, les empreintes de milliers de générations éteintes, et un premier fait ressort de cet examen : c’est l’extrême variété qui règne au milieu de toutes ces richesses. Chaque espèce diffère de tout le reste de la création ; dans une même espèce, les individus ne sont jamais rigoureusement semblables, et l’individu, comparé à lui-même, varie à chaque phase de son existence. « Les organismes, dit M. Edwards, ne sont réellement identiques ni dans le temps, ni dans l’espace. La première condition imposée à la nature dans la formation des animaux semble être la diversité des produits. »

Une étude quelque peu attentive révèle un second fait général, indiqué sans doute depuis longtemps, mais dont on était loin d’avoir apprécié toute l’importance : c’est que cette variété extrême s’obtient toujours à peu de frais. La liste des combinaisons anatomiques et physiologiques possibles est bien loin d’être close, et notre esprit peut facilement concevoir une foule de formes et de machines animales très rationnelles qui n’ont pas encore été réalisées, qui ne le seront peut-être jamais. On dirait que la nature répugne aux innovations, et qu’avant de créer un nouveau modèle, elle s’efforce de tirer tout le parti possible de ceux qu’elle s’était déjà donnés. Les

  1. Dans la séance du 16 novembre 1857, M. Edwards a présenté à l’Académie des Sciences de ni volumes sur l’Histoire des Polypes coralliaires, faisant partie de la collection des Suites à Buffon. Dans la séance précédente, il avait présenté la seconde moitié du tome deuxième de ses Leçons d’anatomie et de physiologie.