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toute littéraire et érudite. Rondelet, Belon, Salviani[1], veulent avant tout retrouver les espèces décrites par les anciens, et leurs ouvrages sont en quelque sorte des centons scientifiques ; mais, par suite de cette investigation même, ils rencontrent des faits inattendus, et les indiquent en passant ; ils découvrent des espèces nouvelles et les décrivent. Le nombre de ces dernières s’accroît, le goût de l’observation directe se développe. Bientôt on se met avec ardeur à la recherche de richesses qui n’attendaient que des mains pour les ramasser. On place dans les cabinets tout ce qui est susceptible de conservation, et les collections commencent à se former ; on appelle d’habiles artistes à représenter ce qui ne saurait se garder en nature, et l’iconographie prend naissance. L’érudition tient encore une très grande place dans la science ; mais dans les ouvrages d’Aldrovande, et surtout de Gessner[2], elle marche appuyée sur des observations originales, et entourée d’une foule de faits inconnus des anciens.

On voit que pendant cette période la zoologie éminemment collectrice ne faisait, à vrai dire, que recueillir ses matériaux. Elle agissait comme un bouquiniste qui achèterait en bloc un grand nombre de livres précieux, mais entassés au hasard, et les ferait transporter par charretées dans ses magasins. Dieu sait quel pêle-mêle d’ouvrages et de volumes ! Avant de pouvoir s’en servir, n’est-il pas évident qu’il faudrait les disposer dans un ordre quelconque et en dresser le catalogue ? La zoologie éprouva bientôt des besoins tout pareils. On commença à se préoccuper sérieusement de la classification.

Reprenant les idées d’Aristote, Gessner lui-même avait fait quelques tentatives dans cette direction. Il fut imité plus ou moins heureusement par ses successeurs. Toutefois Jean Ray, éclairé par ses études en botanique, science qui, sous ce rapport, était bien en avant de la zoologie, fut le premier à résoudre approximativement le problème. Sa répartition des animaux est remarquable à bien des égards. Quelques-unes des principales divisions sont heureusement imaginées, et le dernier des groupes inférieurs, le genre, est bien compris ; mais il restait beaucoup à faire.

La zoologie, devenue classificatrice, rencontra tout d’abord une difficulté inconnue aux amateurs de livres. Les objets qu’il s’agissait de réunir dans un même genre n’avaient pas de titre, pas de nom. Pour tourner la difficulté, on remplaça longtemps l’un et l’autre par une courte phrase caractéristique. Or, à mesure que les espèces nouvelles se multipliaient, la phrase s’allongeait forcément, et bientôt

  1. 1507-1566, — 1518-1564, — 1514-1572.
  2. 1527-1605, — 1516-1565.