Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/765

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propos encore. En général, la bienveillance dont il honora longtemps un pareil homme s’explique assez difficilement. Après les embarras de plus d’une sorte que suscitaient autour de lui les exigences de Cellini, après les tours pendables que celui-ci jouait à tous les gens auxquels il avait affaire, on ne comprend guère que le roi vécût dans une appréhension perpétuelle de voir s’éloigner un serviteur aussi fâcheux. Il y a bien des momens où les sentimens tout contraires de la duchesse d’Étampes et d’autres personnages de la cour semblent beaucoup mieux justifiés, et où l’on serait presque tenté de partager l’avis du comte de Saint-Paul, qui, pour rassurer François Ier sur le danger de perdre son protégé, lui proposait simplement « de le faire attacher une bonne fois à un gibet. » On ne saurait dire pourtant que le roi ait persévéré jusqu’au bout dans sa vive affection pour Cellini, ou que du moins il ne se soit jamais résigné à se passer de lui et de ses services, puisque, après l’avoir dépossédé d’une partie de ses travaux pour les confier au Primatice, il lui accorda à peu près l’autorisation de retourner en Italie. Cellini une fois parti, François Ier ne tarda pas à se refroidir singulièrement à son égard, si bien même qu’avant la fin de l’année il lui faisait écrire, non pour lui intimer l’ordre de revenir, mais pour le sommer de rendre ses comptes, sous peine de laisser en France une assez triste opinion de sa probité.

Nous avons essayé de démontrer l’insuffisance de Cellini dans la statuaire, en prenant pour spécimen de sa manière une de ses œuvres les plus importantes, la Nymphe de Fontainebleau. Après avoir mentionné le buste en bronze de Côme Ier, que possède la galerie de Florence, et un grand crucifix en marbre placé aujourd’hui dans le monastère Saint-Laurent, à l’Escurial, il nous reste à examiner une œuvre beaucoup plus célèbre, — cette statue de Persée qui depuis trois siècles figure sur la place du Palais-Vieux, à Florence, et que l’on regarde en général non-seulement comme le chef-d’œuvre de l’artiste, mais aussi comme l’un des plus beaux produits de l’art italien au XVIe siècle. Ici encore l’opinion s’est montrée trop favorable à Cellini ; mais, hâtons-nous de le dire, si imparfait à plus d’un égard que soit le Persée, il atteste du moins un zèle de l’art et des études dont on ne trouverait dans les travaux précédens ni des traces aussi profondes, ni des témoignages aussi sérieux. En outre, parmi les ouvrages de l’artiste, celui-ci est le seul peut-être qui se relie à des souvenirs honorables pour l’homme, le seul dont l’exécution ait si bien absorbé toutes les forces de sa volonté, que les mauvaises passions se soient comme d’elles-mêmes imposé silence et refoulées en quelque sorte sous la pression du devoir. On se rappelle ce qu’il a fallu à Cellini d’obstination et d’énergie pour mener