pourquoi nos « vieux maîtres » se seraient-ils montrés si reconnaissans envers l’artiste florentin ? Qu’apprirent-ils, que pouvaient-ils même apprendre à son école ? Il leur enseigna, nous dit-il, certains procédés de fonte plus sûrs ou moins compliqués que les procédés jusqu’alors en usage ; mais en dehors de ces indications toutes matérielles quelles leçons leur donna-t-il ? Si tant est qu’en France on ait béni sa venue, il ne paraît pas en tout cas qu’on ait fort pieusement accepté son influence. Rien de plus naturel d’ailleurs : les sculpteurs français de cette époque avaient sous les yeux d’assez bons modèles pour qu’il leur fût très peu nécessaire de recourir aux exemples de Cellini.
Quelle était en effet la situation de notre école au moment où Cellini prétendait s’attribuer ce rôle de messie ? Léonard de Vinci et André del Sarto étaient venus en France quelques années auparavant. Merveilleusement propres l’un et l’autre, — le premier surtout, — à diriger l’art de notre pays dans le sens de ses inclinations naturelles, le temps et peut-être l’occasion leur avaient manqué pour déterminer dans le domaine de la peinture un progrès décisif. Nos peintres, qui, par malheur, allaient se soumettre si docilement au joug du Rosso et du Primatice, n’avaient pu ou n’avaient pas su accepter une discipline bien autrement conforme à leurs instincts. Au lieu de chercher dans les exemples de Léonard le secret d’assouplir leur style un peu sec, mais non sans finesse, ils s’étaient pour la plupart évertués à contrefaire ce que l’on appelait alors la grande manière florentine, et l’on peut dire que, sauf dans les travaux des portraitistes, la peinture française débutait en quelque sorte par la décadence ; mais il n’en allait pas ainsi de la sculpture, qui depuis bien des années d’ailleurs n’en était plus en France à ses débuts. Sans parler des monumens antérieurs, de cette longue série de beaux ouvrages que leur avait légués le moyen âge, nos sculpteurs du XVIe siècle pouvaient puiser des inspirations et des conseils dans les morceaux signés par des maîtres contemporains. Déjà le Tombeau de François II, duc de Bretagne, monument dû au ciseau de Michel Colombe, et que l’on admire aujourd’hui à Nantes, les tombeaux sculptés par Jean Juste à Tours et à Saint-Denis, avaient ouvert pour la statuaire française une ère nouvelle et annoncé les œuvres qui allaient éclore sous la main de Ligier Richier, de Pierre Bontemps et de Germain Pilon. Pas plus que la sculpture, l’architecture n’attendait, pour devenir florissante, qu’un artiste étranger vînt donner à la France des exemples qu’elle était plutôt en mesure de fournir aux autres pays. Serlio lui-même, appelé d’Italie par François Ier, n’eut-il pas lieu de reconnaître avec quelle supériorité l’art était pratiqué chez nous ? Et lorsqu’il fut question de reconstruire le Louvre, ne