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les plus puissans. Je ne parle même pas de ceux qui ne sont point abrités et sont sans cesse lavés par les eaux de pluie, de sorte qu’ils deviennent peu à peu inefficaces, et ne contiennent plus que des matières insolubles, comme l’acide ulmique, sans valeur et sans action ; mais le tas même le plus soigné perd chaque jour une partie importante de son poids. D’après le chimiste italien Gazzeri, cette perte peut aller jusqu’à la moitié du poids total en quatre mois. M. Payen a analysé du fumier frais et le même fermenté, et il a trouvé dans le premier 207 d’azote pour 10,000, et 157,7 seulement dans le second, c’est-à-dire qu’on perd par la fermentation la moitié de la masse du fumier de ferme, la moitié de ses principes solubles et les deux tiers de son azote. On a employé cent précautions pour éviter cette déperdition ; on a arrosé le tas avec des liquides pouvant se combiner avec l’ammoniaque, avec du sulfate de chaux ou plâtre, avec du sulfate de fer ou vitriol vert, espérant qu’il se formerait du carbonate de fer ou de chaux et du sulfate d’ammoniaque, qui est fixe. Le plus sûr cependant est de ne mettre aucun intervalle entre le moment où l’on nettoie les écuries et celui où l’on fume les champs. L’effet du fumier est alors un peu moins immédiat, car la décomposition en est plus lente, et sans cesse les agriculteurs se trompent sur ce point ; mais il est facile de le répandre sur les champs qui vont porter une récolte qui n’a pas besoin d’engrais, et l’année suivante la décomposition est complète. Parmi de nombreux avantages, ce procédé a celui de diviser les terres. En un mot, on ne doit plus suivre le principe de Caton, sterquilinum magnum stude ut habeas, ni dire, comme autrefois, qu’en entrant dans une cour de ferme on peut juger du degré d’intelligence d’un cultivateur par les soins qu’il donne à son tas de fumier ; seulement il faut le dédaigner ou l’admirer, suivant qu’il en a un ou qu’il n’en a pas. On conçoit aussi que les autres engrais azotés soient d’une grande valeur, les sels ammoniacaux par exemple, car ils contiennent beaucoup d’azote sous un petit volume. Dans bien des endroits, ils sont encore trop chers pour être employés en grand ; dans d’autres, ils nous sont offerts par la nature en grande abondance. Ainsi la tangue ou le trez, débris d’animaux conservés par le sel marin sur le bord de la mer, et jetés par elle sur la plage, fournissent à l’arrondissement de Morlaix et à toute l’agriculture bretonne un important secours. Mais il est aussi une autre combinaison de l’azote qui a son utilité, et qui se forme dans l’air traversé par un courant électrique, ou tout simplement par un éclair. Ce composé d’oxygène et a azote, connu sous les noms divers d’eau-forte, d’eau de cuivre et d’acide azotique ou nitrique, se trouve dans toutes les eaux de pluie, et agit favorablement sur la végétation, lorsqu’il n’est pas pur, bien