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en sont incertains, par mille causes que l’expérimentateur connaît imparfaitement, et surtout qu’il ne saurait ni modifier ni prévoir. De ce qu’une plante a réussi dans un champ, il n’est pas permis de conclure qu’elle y poussera toujours, car le froid, la chaleur, la pluie, la grêle, le vent, varient d’une année à l’autre ; les engrais des fermes ordinaires ne sont jamais analysés et sont rarement identiques ; les labours sont bien ou mal faits. La sécheresse a tué la plante, tandis qu’une pluie l’eût sauvée. C’est un peu comme en médecine : le même remède, dans des cas qui paraissent identiques, a des effets divers. Mille causes peuvent agir sur les végétaux comme sur les hommes. La météorologie, qui pourrait donner sur ces causes quelques indications, n’est pas encore une science, et ses progrès, si elle doit en faire, ne s’accompliront pas sous nos yeux. Comment peut-on savoir, par exemple, si le froment épuise la terre ? La première fois qu’on le sème dans un champ, la moisson est abondante, il en est de même la seconde année ; la troisième récolte est moins bonne, mais les cultivateurs assurent que l’hiver a été trop sec ; la quatrième fois elle est mauvaise, mais ce sont les inondations qui ont fait grand mal. Faut-il continuer ou s’arrêter ? Le blé ne vient pas sur un domaine, le propriétaire y plante de la vigne ; elle meurt. Sans doute la plantation a été mal faite ; on recommence, et on a la satisfaction de la voir pousser, mais aucune grappe ne couronne ses pampres rabougris. Que conclure de ces observations, et comment pratiquer une science où l’expérience même est incertaine ? Il n’est pas une de ces tentatives qui ne dure plus d’une année, il faut les recommencer indéfiniment, et en attendant la vie se passe, l’argent se dépense, et la terre devient stérile.

Que l’on se figure une masse composée d’air, de terre et d’eau, d’un poids déterminé, et dans cette masse une graine qui commence à se développer. Peu à peu les racines s’allongent et s’éparpillent, la tige s’élève, les feuilles, les fleurs et enfin les fruits apparaissent. Le poids de là masse totale a-t-il augmenté par l’apparition de cet être nouveau ? Non certainement, et il ne saurait être douteux pour personne qu’il a dû puiser dans ce qui l’entoure les élémens qui le composent ; mais ces élémens au premier abord semblent différer du sol, de l’air ou de la terre, et on ne peut confondre le bois ou la paille avec ces substances. Bien plus, tous les végétaux ne sont pas identiques, et un même végétal, aux différentes époques de son existence, doit avoir une composition variable ; la tige du topinambour ne ressemble point à celle de la betterave, et les fruits verts ne sont pas sucrés. Enfin la terre est tantôt rouge, tantôt grise, noire, jaune, compacte ou friable. Il se passe donc à chaque instant dans toute fleur, toute tige et toute racine des transformations. Des substances