Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tantôt ardens au prosélytisme et à la propagande quand on se prêtait à les écouter et à discuter avec eux. Il y en avait toujours dans les lieux de grandes réunions et de foule, aux foires, dans les fêtes de village, aux courses de chevaux, aux meetings de toute nature, si fréquens en Angleterre. Souvent dans ces réunions, quand le débat sur la question spéciale qui en faisait l’objet était terminé, ils demandaient la parole pour exposer les misères de leurs frères de Preston et solliciter en leur faveur la commisération publique. Leur appel n’était jamais fait en vain ; mais les récoltes les plus abondantes provenaient des contributions prélevées sur les ouvriers de tous les états dans les villes et dans les centres manufacturiers.

Dans une première visite, les délégués y avaient fait le recensement du montant des salaires de chaque semaine, et ils avaient fixé, de concert avec les ouvriers les plus influens du lieu, ou qui se donnaient pour tels, la part qui devait en revenir à la défense de la cause commune. Leur grand souci était de ne pas manquer à la promesse de secours qu’ils avaient apportée à Preston ; ils se regardaient comme engagés d’honneur à tenir cette promesse, et tous les moyens leur étaient bons pour atteindre leur but. Le samedi, jour de paie, des collecteurs, leurs affidés, se tenaient aux portes des manufactures et des ateliers, et réclamaient de tout ouvrier qui en sortait la quote-part à laquelle il avait été taxé. Le plus grand nombre la payait de bonne volonté, spontanément et avec une sorte d’ostentation, tant les esprits étaient alors surexcités. Les délégués d’ailleurs allaient d’un établissement à l’autre pour surveiller la recette ; si la semaine précédente elle avait baissé quelque part, ils se chargeaient de l’y faire en personne. C’est dans ces occasions qu’ils usaient de moyens d’intimidation qu’on ajustement blâmés. Ils prenaient les noms de ceux qui refusaient leur offrande et les accompagnaient dans leur rapport d’une épithète injurieuse ; ils les menaçaient des colères du Punch, le satirique redouté de l’Angleterre, de celles de Calico-Park et de la vieille Paddy, ces épouvantails du peuple, que les femmes et les enfans se chargeaient le plus souvent de représenter au moment même, en poursuivant le récalcitrant de leurs railleries et de leurs insultes. Ces scènes se sont reproduites partout, et plus d’une fois la force publique a dû intervenir. Un tel système de coercition ne se limitait pas aux seul ouvriers, il s’étendait aux propriétaires des magasins, boutiques et autres lieux dont le peuple forme la clientèle ordinaire. Les délégués les imposaient à des contributions arbitrairement calculées d’après l’importance du trafic et des profits présumés, et sur leur, refus de s’y soumettre, on mettait leur maison en interdit ; ils trouvaient le matin le signe d’anathème crayonné sur leurs portes, et leurs pratiques n’osaient plus