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C’est en vertu d’une servitude semblable qu’à l’heure qu’il est, et dans les circonstances présentes, le franc ne saurait être autre chose que 5 grammes d’argent au titre de 9/10es de fin. Dans la liberté prétendue qui serait le correctif de cette servitude, je ne puis voir ni plus ni moins que la liberté de la fausse monnaie et de la banqueroute.

Aux considérations qui précèdent, et qui me paraissent d’un poids plus que suffisant pour faire pencher la balance en faveur d’une intervention immédiate du législateur à l’effet de garantir l’étalon d’argent, qui est en péril, on pourrait en ajouter d’autres, de celles-là particulièrement qui sont exposées à paraître d’un ordre mineur à cette classe d’esprits qui se croient plus pratiques et plus sages que les autres, parce qu’ils prétendent faire de la politique sans jamais honorer d’un regard les grands principes et les grands sentimens. Au moment où nous sommes, on peut remarquer parmi les peuples civilisés un mouvement assez prononcé vers l’adoption d’un système uniforme de poids et de mesures, qui serait inévitablement notre système métrique. Ce mouvement s’accélère chaque jour ; un bon nombre d’états s’y sont ralliés officiellement dans les deux hémisphères, et l’idée fait son chemin à petit bruit, il est vrai, et à pas lents chez la plupart des plus grandes nations du monde, en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis. On se souvient peut-être qu’à l’issue de l’exposition universelle de 1855, tous les commissaires et tous les jurés alors présens à Paris signèrent une déclaration qui appelait la haute attention des gouvernemens sur l’utilité et la convenance morale d’une convention générale pour cet objet. Je suis de ceux qui pensent que des innovations de cet ordre, en admettant qu’elles ne se résolvent pas directement en un profit mesurable en sous et deniers, n’en ont pas moins une grande importance. Il me semble aussi que la France serait le dernier peuple duquel on devrait attendre des actes de nature à affaiblir ou à contrarier cette manifestation du sentiment noble et fécond qui porte les peuples civilisés à se rapprocher par une étreinte majestueuse. S’il en est ainsi, il n’est pas superflu de faire remarquer que si nous quittions l’étalon d’argent pour y substituer celui d’or, suivant le procédé recommandé par quelques personnes, — qui consisterait à statuer que désormais l’unité monétaire serait la vingtième partie de la pièce d’or de 20 francs, — nous ferions une brèche au système métrique, nous détruirions le prestige dont il jouit parmi les peuples civilisés, de façon à en rendre bien difficile l’adoption universelle, qui autrement serait fort probable. En effet, le franc, tel qu’il est aujourd’hui, fait partie intégrante du système métrique. Jusques et y compris l’an XI, le législateur de la France régénérée