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de tant de générations humaines ? Il semble que, remontant ainsi le courant des traditions, les missionnaires espèrent découvrir au fond de ces antiques doctrines quelques étincelles de l’éternelle vérité pour les rallumer au foyer du christianisme.

Les Siamois sont pieux ; s’ils ne connaissent que très imparfaitement les dogmes fort compliqués du bouddhisme, ils s’acquittent avec ferveur de leurs devoirs religieux, récitent régulièrement les prières et se montrent très respectueux pour leurs bonzes. Ces bonzes ou talapoins vivent dans des couvens ; ils sont au nombre de plus de cent mille pour tout le royaume, et on en compte environ dix mille à Bangkok seulement. Leur costume est jaune ; ils doivent avoir toujours la tête et les sourcils rasés ; ils portent une besace qui contient une marmite en fer ; ils tiennent à la main un éventail de feuilles de palmier (talapot ; c’est de là sans doute que vient le nom de talapoins qui leur a été depuis longtemps donné par les Européens), et ils gardent cet éventail ouvert devant les yeux, afin de ne pas être distraits dans leurs méditations par la vue des objets extérieurs. Les talapoins sont organisés hiérarchiquement. Le roi est le chef de l’église ; le titre de protecteur et de conservateur de la secte de Bouddha figure au premier rang parmi les nombreux titres apposés en tête des actes officiels. Un prince du sang royal, assisté de plusieurs commissaires qui forment, sous sa présidence, une sorte de tribunal ecclésiastique, est chargé de la haute administration des affaires religieuses. Chaque couvent est gouverné par un supérieur que nomme le roi ; puis viennent les vicaires, les secrétaires, les simples moines, et enfin les novices. Autrefois les talapoins étaient liés par un vœu perpétuel : dès qu’ils avaient été admis à porter l’habit jaune, ils ne le quittaient qu’au moment de mourir ; mais peu à peu les vœux perpétuels ont été abolis. On devient talapoin, on rentre dans la vie civile, on redevient talapoin ; quelques formalités suffisent pour ces divers changemens de condition, et cette facilité explique la multiplicité des prêtres siamois. On est talapoin par piété, par ambition pour jouir de certains privilèges et du respect attachés à l’habit ecclésiastique, par paresse pour vivre d’aumônes, ou par passe-temps, quand on n’a rien de mieux à faire. Une grande partie de la population siamoise, les riches comme les pauvres, passent ainsi au moins quelques mois de leur vie dans un couvent. C’est dans leur pensée un acte méritoire, une sorte de purification, qui profite même aux âmes des parens défunts. On voit des riches donner la liberté à des esclaves à la condition que ceux-ci se feront talapoins. Pendant les trois mois de la saison pluvieuse, les bonzes sont tenus de demeurer dans les monastères, où ils sont soumis aux règles de la discipline ; le reste de l’année, il leur est permis de voyager. Le livre des commandemens