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deux choses, soit ; mais comment se persuader qu’on a continué à faire un semblable dépôt, quand ce dépôt avait atteint une telle élévation qu’il eût été extrêmement pénible de porter des vases brisés au sommet de ce monticule, d’où l’on a une des plus belles vues de Rome ? La même objection s’oppose à l’hypothèse des fabriques de vases réunies en un même lieu, et qui auraient donné naissance au Monte-Testaccio. Et de plus comment ces fabriques auraient-elles produit une aussi grande quantité de pots cassés, car ils le sont tous ? Cette hypothèse est encore moins vraisemblable que l’autre ; je déclare ne point pouvoir en inventer une troisième, et je termine cette petite dissertation sur les causes qui ont pu former le Monte-Testaccio par ces mots, qu’on ferait bien de prononcer plus souvent, quand il s’agit d’antiquités et de beaucoup d’autres choses : Je ne sais pas.

Les antiquaires qui, il y a quarante ans, trouvaient tant de suppositions ingénieuses pour rendre compte de la présence d’une colonne isolée au milieu du Forum, colonne que lord Byron, plus sensé qu’eux tous, appelait la colonne sans nom, eussent bien fait d’imiter cette réserve, qui n’eût pas contenté peut-être leur amour-propre, mais qui l’eût sauvegardé. On se disputait sur les explications que chacun donnait de la mystérieuse colonne, quand une femme dont se souviennent avec respect tous ceux qui ont eu le bonheur de la connaître, la duchesse de Devonshire, qui montra toujours pour les arts un intérêt éclairé, fit faire des fouilles autour de la colonne sans nom. Bientôt le nom de la colonne fut trouvé ; mais celui-là, personne ne l’avait soupçonné. On reconnut que ce n’était le débris d’aucun des monumens du Forum, parmi lesquels on avait cherché son origine, mais une colonne dédiée dans les premières années du VIIe siècle, par un obscur préfet de Rome, nommé Smaragdus, au détestable usurpateur Phocas. Cette découverte n’en faisait pas un monument bien intéressant ; mais nul doute n’était possible, car le fait était attesté par une inscription que porte le piédestal de la colonne. Ce qui excuse et put consoler les antiquaires mystifiés par une pareille déconvenue, c’est que cette colonne n’est point du temps de l’empereur Phocas, mais évidemment beaucoup plus ancienne, de sorte que l’inscription n’apprend rien sur sa destination primitive et sur le monument dont elle a fait partie avant d’être érigée en l’honneur de Phocas. Dans ces derniers temps, en la comparant avec trois colonnes voisines qui appartiennent au temple de Vespasien, on a cru reconnaître qu’elle leur ressemblait et très probablement découvert sa véritable origine.

Ce monument et l’inscription qui l’accompagne sont précieux pour l’histoire, car ils montrent le dernier terme de l’avilissement où Rome