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après leur chute, avait été compromis dans les mouvemens insurrectionnels de 1831 et conduit aux galères, où le chagrin, la fatigue, le regret de sa cause et de sa famille perdues, causèrent promptement sa mort. Ce souvenir rongeait l’âme du jeune homme ; sa mère et un digne prêtre, don Ardinghi, ancien ami de son père, avaient toutes les peines du monde à le retenir dans les limites de la prudence, au moins jusqu’au moment opportun. Pour l’entraîner avant l’heure, il ne fallut rien moins que les provocations mystérieuses d’un libéré politique, nommé Landuzzi, qui avait acheté sa liberté en consentant à mettre au service de la police pontificale la connaissance qu’il avait des conspirations et des conspirateurs. Ce misérable n’eut pas de peine à persuader au crédule jeune homme que le vieux Tiburzio, son ancien compagnon au bagne, lui avait confié en mourant ses dernières volontés, et qu’il recommandait expressément à son fils de se dévouer sans plus de retard à l’affranchissement de sa patrie. Ces paroles étaient un ordre, et Mario se laissa entraîner dans les sociétés secrètes. Initié par un traître, il ne pouvait tarder, on le comprend, à tomber sous la main de la police. Ayant réussi à s’échapper pendant qu’au sortir de la sacrée-consulte, qui lui avait fait subir un premier interrogatoire, on le conduisait à sa prison, il se déroba aux poursuites des soldats en semant sur sa route, pour les attarder, tout l’argent qu’il avait sur lui. Ce stratagème eut un plein succès ; Mario, une fois hors de Rome, pouvait partir pour un exil qui aurait assuré sa liberté. Il préféra rejoindre dans les Marches et les Romagnes les bandes insurrectionnelles du médecin Muratori et du capitaine Ribotti. Pris une seconde fois et les armes à la main, il fut condamné à mort et ne dut sa délivrance qu’au dévouement de don Ardinghi. Cet ami dévoué était allé trouver le tout puissant Gaetano Moroni, barbier, valet de chambre et confident favori de Grégoire XVI. Gaetanino, comme les Romains l’appelaient, voulut bien se souvenir que le vénérable prêtre lui avait rendu dans le temps quelques services : il lui exprima le regret de ne pouvoir rien faire directement pour son protégé, à cause de la résolution prise par le gouvernement pontifical de déployer la plus grande rigueur contre les insurgés ; mais il lui dit en confidence qu’il n’était pas impossible d’acheter le directeur des prisons de Bologne, à la seule condition de s’y prendre avec adresse. — Cela fait, ajouta Gaetanino, vous n’aurez, pour rendre la liberté à votre jeune ami, qu’à donner des buone mancie (pourboires) à droite et à gauche sur son passage.

Le barbier connaissait bien les employés de l’administration pontificale ; la chose réussit à souhait, et Mario put se retirer en France, d’où il ne revint en Italie que lorsque le drapeau tricolore arboré à