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souvent éloquente de leurs censures. M. Bersezio n’est vraiment lui-même que sur ce terrain, et cela est d’autant plus remarquable qu’il se déclare tout à fait désintéressé de la politique active, au seuil de laquelle il s’arrête, quoique tout le sollicite d’y entrer[1]. Quelle preuve plus manifeste de l’influence qu’exercent à leur insu sur les esprits les plus contemplatifs, sur les âmes les plus pacifiques, les idées de nationalité, de patrie, d’indépendance, de liberté ! C’est donc uniquement sur les nouvelles politiques du jeune écrivain que j’appellerai l’attention. Ces récits forment véritablement un tout, ils se complètent l’un l’autre. Peut-être aurait-il été d’un art plus achevé de mieux fondre les scènes et les caractères, et de faire le portrait des hommes en racontant leurs actions, au lieu d’énumérer, en quelque sorte ex professo, tous les traits dont se compose leur physionomie ; mais ce défaut, si c’en est un se remarque seulement dans la première moitié du volume et n’est pas assez grave pour déparer l’ensemble. Ce n’est là qu’une question de forme et de peu d’importance. L’important, c’était de dire la vérité, et M. Bersezio l’a dite, sinon à tous, du moins à quelques-uns, avec une finesse d’observation et une sincérité dignes d’éloges. J’ignore s’il viendra jamais à bout, j’emprunte ses propres paroles, de donner toute l’histoire du cœur et de l’esprit de l’homme à travers l’état civil, social et politique de la société contemporaine, et, à vrai dire, dans son intérêt, je ne le désire pas : pour remplir un cadre de cette étendue, il serait infailliblement conduit à faire violence à l’inspiration. Chaque sentiment n’a pas besoin de dix nouvelles et d’un volume pour être présenté sous toutes ses faces : l’effet ne serait que plus grand, si l’on en groupait plusieurs dans le même récit. Mais M. Bersezio dût-il ne pas pousser son œuvre plus avant, il aurait, par son troisième volume, rendu un service réel à tout le monde : à son pays, en lui mettant devant les yeux un miroir fidèle qui accuse nettement et peut-être grossit ses défauts ; aux étrangers, en leur donnant une idée des qualités et des vices que la vie politique développe en Piémont. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire, d’après M. Bersezio, les principaux traits de ces vives et curieuses peintures. Lui-même sera pour nous un sujet d’études, et nous ne suivrons pas sans intérêt les impressions, quelquefois superficielles, le plus souvent justes, toujours honnêtes, que font sur un cœur droit et sur une intelligence éclairée les vicissitudes de bien et de mal à travers lesquelles passe la liberté constitutionnelle pour jeter en Piémont de sérieux fondemens.

  1. Le frère de M. Victor Bersezio est membre de la majorité constitutionnelle à la chambre des députés et ami de M. de Cavour.