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reconnaître si, pour la société prise en masse, il y a compensation ; l’autre, de savoir si l’équité sanctionne la perte que subit celui-ci et, le gain qui échoit à celui-là.

Sur le premier point, je n’ajouterai qu’un mot aux aperçus que j’ai déjà soumis ici au lecteur. Des changemens qui affectent profondément une très grande masse d’intérêts sont toujours regrettables, même lorsque, à côté et par le même fait, un bon nombre de personnes se trouvent obtenir des avantages. C’est pour la société une épreuve dangereuse, particulièrement lorsque les populations ouvrières sont au nombre des classes qui ont à souffrir ; ce sont celles auxquelles la patience est le plus difficile, puisqu’elles ont le moins de ressources. La société se trouvera, dans ces circonstances, avoir à franchir une situation que je crois avoir justement qualifiée de révolutionnaire. Si la qualification est juste, elle en dit assez pour faire apprécier tout ce que la transition aurait de périlleux. Avec de l’habileté et du calme, un peuple peut traverser sans désastre un défilé pareil ; mais il y faut en outre du bonheur. Or peut-on, sans présomption, se flatter de réunir ces trois dons du ciel, le calme, l’habileté et la bonne chance ?

Insistons davantage sur l’autre question, celle de l’équité. Elle n’est pas sans avoir des rapports avec la première : lorsque des faits sont conformes au droit, il est dans la nature humaine en général qu’on s’y résigne plus volontiers. Au contraire, l’indignation « t le ressentiment prennent facilement possession de l’homme qui sent que la justice est lésée dans sa personne.

Parmi les faits auxquels doit donner lieu la baisse de l’or dans les pays où ce métal forme la monnaie unique ou la monnaie dominante, j’en choisis ou, pour mieux dire, j’en reprends un des plus considérables pour l’examiner au point de vue de l’équité : je reviens au cas du propriétaire d’un titre de rente sur l’état. Supposons un habitant de Londres vivant d’un revenu de 1,000 livres sterling qu’il aura sur les consolidés. Pendant et après la dépréciation de l’or comme auparavant, il recevra ses 1,000 disques de métal contenant 7 kilogr. 318 grammes d’or fin ; mais avec cette somme il n’aura que la moitié de l’aisance dont il jouissait antérieurement. Y a-t-il ou n’y a-t-il pas, dans un pareil amoindrissement d’existence, quelque chose qui puisse être taxé de spoliation ? Pour l’Angleterre, je ne le pense pas. À quoi l’état est-il engagé ? Par cela même que l’Angleterre a son étalon monétaire en or, le créancier auquel le gouvernement anglais doit une livre sterling ne peut rien réclamer de plus que la quantité d’or à laquelle la loi, une fois pour toutes, a attaché la dénomination d’une livre, c’est-à-dire 7 grammes 318 milligrammes. L’état est tenu de fournir à son créancier d’une livre cette quantité