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aliénés des élèves qui fourniraient à ses concerts un utile concours. Nous avons nommé les solennités religieuses : c’est dire que les fous y ont leur place. On ne les laisse pas entrer volontiers dans l’église paroissiale de Saint-Armand ; mais celle de Sainte-Dymphne leur est réservée. On les y voit souvent implorer à genoux les secours et les grâces du ciel. Seuls, les ambitieux qui se croient dieux, rois ou princes, ne s’agenouillent pas ; à part cette innocente prétention, à laquelle on ne fait pas violence, ils se conduisent, comme les autres insensés, avec décence et respect. Plusieurs d’entre eux chantent au lutrin. Dans les processions, ils se mêlent avec piété aux autres fidèles. Là comme partout, les individus, même sujets à quelques écarts de raison, subissent l’influence du ton qui règne autour d’eux, et donnent l’exemple du recueillement. Ils se montrent généralement très attachés aux croyances de leur enfance. En état de santé et de maladie, aux approches de la mort, ils sont admis aux sacremens toutes les fois que leur état mental n’exclut pas la conscience morale : pieuses consolations que la science médicale, en dehors même de toute sollicitude religieuse, ne peut que sanctionner, parce qu’elles rehaussent le pauvre insensé à ses propres yeux, aux yeux mêmes de la population, en même temps qu’elles fortifient le corps par l’âme.


III. – LA POPULATION DE GHELL.

À de tels récits, d’une exactitude authentique, l’intérêt ne se reporte-t-il pas de la population malade sur la population saine d’esprit et de corps, et n’éprouve-t-on pas le désir de faire connaissance avec elle ? Légitime désir, car les habitans de Gheel, digne sujet d’observation pour la philosophie morale et médicale, ne sont pas le moindre phénomène de la colonie.

Les Gheelois appartiennent à la race flamande, qui fut formée, aux premiers siècles de l’invasion des Barbares, par le mélange des Normands et des Teutons, race qui occupe la Belgique de moitié avec la race wallonne, d’origine gauloise. La différence des langues marque de nos jours en traits manifestes cette différence d’origine, qui n’éclate guère moins dans le tempérament physique et moral. Chez les Wallons brille la vivacité gauloise, chez les Flamands règne le flegme germanique.

Le sang flamand est beau, dans la Campine particulièrement. L’air des champs, dont les plantes aromatiques doublent les vertus vivifiantes, une nourriture saine et sobre, mais suffisante, concourent, avec l’origine germanique, à ce vermeil épanouissement de santé qui distingue les Campinoises. C’est parmi elles que l’aristocratie