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jouissent du droit commun ; il suffit de quelques précautions pour éviter tout désordre. De très rares grossesses parmi les aliénées attestent que, si un scandale n’est pas absolument impossible, il est réduit à de bien faibles proportions. En sept années, M. Parigot a constaté quatre grossesses seulement. C’est que les aliénés valides sont occupés, distraits par le travail, et que par cela même la surveillance est plus facile. Le déshonneur qui résulte d’un tel accident pour le nourricier redouble la vigilance de la famille.

Votre curiosité est-elle stimulée par ces premiers renseignemens, entrez à votre gré dans les maisons. À toute heure du jour, elles sont librement ouvertes aux parens, aux amis, aux simples visiteurs, comme aux médecins eux-mêmes. Dès ce moment, on peut constater que le régime suivi à Gheel diffère gravement de celui des autres établissemens d’aliénés. Ici nul ne pénètre qu’avec la permission du directeur et du médecin. Nul n’est admis, même le père et le frère, à voir le malade qu’au moment jugé opportun par les chefs de la maison, l’expérience ayant constaté que l’état d’un malade risque d’être aggravé, ou le cours d’une guérison interrompu, par de soudaines et vives impressions. Devant les arrêts de la science, trop unanimes pour n’être pas fondés, la tendresse la plus dévouée doit se résigner. Combien d’abus cependant peuvent s’abriter derrière cette rigueur ! Combien de parens, inquiets sur le traitement, sur le régime auquel de chers malades étaient soumis, ont déploré de ne pouvoir dissiper leurs alarmes en contrôlant les plaintes ! À Gheel, l’asile, c’est la maison même, toujours accessible, du bourgeois ou du cultivateur. Elle livre tous ses secrets à qui se présente sous les auspices d’un habitant, et surtout de l’un des médecins, dont le zèle et la science sont toujours au service des visiteurs sérieux. Le fou habite sous le même toit que son père nourricier. Il est telles de ces maisons qui, par leur propreté, leur air d’aisance, leur simplicité de bon goût, supportent la comparaison avec les salles d’hôpital les mieux tenues. Chaque malade a l’usage exclusif d’une chambre de dimension variable, suivant la fortune du propriétaire, mais toujours aérée, blanchie à la chaux, nettoyée, carrelée ou planchéiée. Les plus petites sont de véritables cellules de moines, toujours propres, sinon belles. Autrefois les chambres laissaient beaucoup à désirer, et il en reste encore quelques-unes qui ne sont pas à l’abri de tout reproche ; mais d’année en année la réforme prescrite par les règlemens que M. Parigot a tracés sape les vieux abus et démolit les cases trop étroites. À chaque reconstruction, une part meilleure est faite à l’aliéné.

Le couchage est conforme aux usages de la maison et du pays, sauf exceptions motivées ; toujours sain, propre, garni de paille fraî-