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complications intimes auxquelles ne résiste aucun pouvoir, qui laissent tous les esprits incertains, lorsque le premier intérêt du pays et de la reine elle-même serait dans la prompte formation d’un gouvernement réunissant toutes les forces du parti conservateur.

Ce n’est point certes dans le Nouveau-Monde qu’il faut aller chercher la paix, la régularité de la vie sociale et politique. Non, ce n’est pas même aux États-Unis, où, à côté de tant d’autres signes de puissance et de vitalité, on voit se poursuivre des luttes incessantes à main armée, S’agiter des sectes étranges comme celle des mormons. Une crise financière prolongée est venue se joindre depuis quelque temps à tous les incidens d’une existence plus énergique que réglée. Quant aux autres républiques du Nouveau-Monde, quelle est celle qui échappe aux troubles et à l’anarchie ? L’Amérique centrale est de nouveau menacée d’une invasion de Walker, et le président des États-Unis, M. Buchanan, après un moment d’hésitation, s’est vu obligé de prendre quelques mesures contre le zèle conquérant des flibustiers. Au Mexique, le président, M. Comonfort, est encore une fois assailli par les insurrections ; c’est le Yucatan qui est soulevé maintenant contre lui. Au Pérou, la lutte est engagée depuis près d’un an entre le général Castilla et le général Vivanco, établi à Arequipa comme chef d’un mouvement insurrectionnel. La guerre continue, et jusqu’ici il est difficile de dire de quel côté est la victoire, car si Vivanco s’est montré d’une singulière faiblesse dans cette triste campagne, sa résistance ne prouve pas que son adversaire soit très fort.

Une seule république américaine avait échappé jusqu’à présent à cette contagion du désordre : c’est le Chili, qui a vu ses ressources grandir, son commerce prospérer, et qui a réalisé ce, phénomène surprenant d’un état hispano-américain n’ayant que trois présidons en plus de vingt-cinq ans. Voici cependant que le Chili, à son tour, semble soumis à une épreuve assez grave. Ce n’est point une insurrection, c’est une crise toute politique, constitutionnelle, et qui remonte, à vrai dire, à la réélection du président actuel, M. Montt. C’est comme représentant de la politique conservatrice que M. Montt était réélu l’an dernier, après avoir exercé pendant cinq ans le pouvoir. Malheureusement il arrivait au lendemain de cette réélection ce qui arrive souvent : le parti conservateur se divisait, et cette scission était déterminée par un changement de ministère qui éloignait des affaires quelques hommes considérables remplacés par des hommes plus jeunes, que le président choisissait, disait-on, parce qu’il espérait trouver en eux des instrumens plus dociles. Cette situation a eu ses conséquences. M. Montt s’est vu placé entre une sorte de réveil du parti révolutionnaire, qui a cherché à profiter de l’occasion, et la dissidence, de plus en plus marquée, de toute une fraction du parti conservateur. Il a contenu d’une main ferme les révolutionnaires, il a livré aux tribunaux quelques conspirateurs ; mais lorsque la session législative s’est ouverte il y a quelques mois, il s’est trouvé en présence d’un autre danger. L’opposition conservatrice a immédiatement engagé les hostilités contre le ministère par une proposition d’amnistie en matière politique, proposition dont le sens était d’autant plus clair qu’elle coïncidait justement avec les sévérités exercées par le gouvernement contre les conspirateurs. Or ici s’ouvrait une de ces luttes parlementaires que la constitu-