Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/918

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Prusse et l’Autriche persistent à couvrir de leur égide l’opposition holsteinoise, et à vouloir faire intervenir la diète de Francfort. La modération sied mieux à leur politique et à la politique générale de l’Europe. En dehors de toute considération diplomatique d’ailleurs, l’Autriche et la Prusse sont dans une situation morale particulière vis-à-vis du Danemark, car si celui-ci a dû faire face à l’insurrection du Holstein en 1848, il est loin d’avoir atteint dans sa victoire la limite des sévérités exercées par les deux puissances allemandes quand elles ont eu à réprimer des mouvemens semblables dans leurs propres possessions.

L’Espagne, comme il était facile de le prévoir, est arrivée à une crise qui ne se manifeste par aucune perturbation extérieure, mais qui dénote un trouble profond, et qui met en jeu tous les ressorts du pouvoir. Le ministère, après plusieurs ébranlemens successifs, n’a pu vivre plus longtemps, et il a donné sa démission, qui a été acceptée. Quinze jours se sont écoulés sans qu’un nouveau gouvernement se soit formé, et dans cette sorte d’interrègne ministériel, c’est l’ancien cabinet qui est encore au pouvoir, exerçant une autorité plus nominale que réelle. Comment s’est produite cette crise nouvelle ? Elle existait, à vrai dire, depuis quelque temps déjà : elle a commencé, il y a deux mois, le jour où le président du conseil formulait des demandes et faisait entendre des paroles qui ont pu blesser secrètement la reine ; elle s’est renouvelée plus récemment, lorsque le cabinet proposait la nomination du général Lersundi comme capitaine-général de l’île de Cuba ; elle s’est dénouée définitivement, il y a peu de jours, à l’occasion d’une liste de nouveaux sénateurs soumise à la reine. La reine n’a point voulu accepter certains noms et notamment celui du père du ministre de l’intérieur. Comme le ministère était d’ailleurs à demi décomposé, il n’en a pas fallu davantage pour précipiter sa chute. Ce sont là les faits apparens. Il restait à savoir comment l’ancien cabinet allait être remplacé. Or ici a commencé cette crise singulière qui ressemble à une énigme. Par le fait, deux combinaisons étaient possibles. Le général Narvaez quittant le pouvoir, M. Bravo Murillo semblait être le candidat le plus désigné pour lui succéder. M. Bravo Murillo a une des positions les plus élevées dans le parti conservateur ; il exerce une grande influence, due surtout à ses talens d’administrateur et de financier. Il n’était point à Madrid au moment de la crise ; il y est arrivé depuis peu, et, s’il a été appelé au palais, il ne paraît avoir reçu de la reine aucune mission relative à la formation d’un cabinet. Une autre combinaison dans un sens plus libéral, quoique toujours conservateur, aurait pu réunir des hommes comme le général Armero, M. Mon, aujourd’hui ambassadeur à Rome. Jusqu’ici cependant rien n’a été décidé. Ce n’est point encore le moment de scruter de trop près les causes de la chute du dernier cabinet et des difficultés que rencontre la formation d’un nouveau ministère. L’état de division où vit malheureusement le parti conservateur espagnol n’est point sans doute étranger à tous ces faits. D’un autre côté, la reine ne se hasarderait-elle pas singulièrement, si elle se complaisait trop dans cette situation où son pouvoir est tout, et où il n’y aurait plus de place que pour des ministères sans volonté et sans force propre ? Là est la gravité de la crise qui se déroule actuellement au-delà des Pyrénées. Le danger, c’est cette série de