Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/911

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

égaux, sinon une puissance égale. Dans les assemblées délibérantes ordinaires, tout se résout par un scrutin ; c’est la majorité qui prononce. Il n’en est pas tout à fait ainsi dans un congrès diplomatique où les puissances qui délibèrent, par cela même qu’elles sont également indépendantes, ne peuvent s’imposer mutuellement des résolutions. Il y a sans doute une mesure délicate et difficile à saisir ; ici, de toute nécessité, l’esprit de transaction a sa place.

La Turquie n’a peut-être pas entièrement obéi à cet esprit de transaction en adressant à ses agens une circulaire diplomatique où elle semble se prononcer d’une façon absolue et exclusive contre l’union des principautés. Que veut dire ce nouvel exposé des vues de la politique ottomane ? La Turquie n’a pu évidemment avoir la pensée de dominer d’avance, par une manifestation intempestive, les décisions du congrès. Elle n’a voulu peut-être qu’en imposer aux divans des deux provinces, et en cela elle se met une fois de plus en contradiction avec elle-même, après avoir annulé les élections moldaves, justement parce que ces élections n’avaient pas été libres. S’il n’y avait aucun compte à tenir des vœux des populations, comment le traité de Paris aurait-il prescrit cet appel direct au pays ? comment la diplomatie se serait-elle résolument employée à garantir la liberté des élections ? Et si l’expression libre, sincère de l’opinion publique a été une condition stipulée diplomatiquement, adoptée en commun, comment l’une des puissances se soustrairait-elle aux conséquences les plus simples, les plus directes des engagemens auxquels elle a souscrit ? Deux choses restent donc intactes : la liberté des divans, qui ont le droit d’émettre tous leurs vœux, et la liberté du congrès, au sein duquel toutes les politiques pourront se produire. Quelle que soit d’ailleurs l’importance de cette question de l’union, et quelque place qu’elle doive vraisemblablement oôcuper dans les délibérations des divans de Bucharest et de Iassy, il ne faut point oublier qu’elle n’est pas la seule. Bien d’autres questions s’agiteront, aussi importantes en un certain sens. Il y a la question des couvons grecs ; il y a surtout celle de la propriété, qui implique, à vrai dire, une révolution sociale par l’abolition du servage. Le difficile est d’accomplir cette émancipation juste et nécessaire d’une partie de la population, en respectant le plus possible tous les droits. L’Autriche a réalisé cette grande réforme après 1848 par d’habiles et ingénieuses combinaisons ; elle a son expérience à offrir. C’est en étudiant avec maturité toutes ces questions que les divans de la Valachie et de la Moldavie prépareront les élémens des décisions du congrès. C’est surtout en restant dans les limites de la modération qu’ils donneront de la force à ceux qui se sont faits les défenseurs de l’autonomie roumaine. L’union triomphera-t-elle encore après tout ? C’est ce qu’il est difficile de dire, car ce n’est point évidemment pour cela que l’épée sera tirée de nouveau. Quoi qu’il en soit, il est impossible que sous la pression des circonstances la Turquie elle-même n’en vienne pas à accepter une fusion qui, fût-elle limitée pour le moment à l’organisation administrative, économique, judiciaire des deux provinces, préparerait infailliblement l’union politique, c’est-à-dire l’indépendance de la nationalité roumaine.

Pendant ce temps que deviennent les affaires des Indes ? À travers les obscurités inévitables qui planent sur la marche des événemens, on peut remar-